« LES ESTIMATIONS actuelles de l’épidémie s’appuient sur l’hypothèse d’un taux d’attaque de 4 %, mais il ne s’agit en fait que d’une conjecture ne reposant sur aucune donnée et ne prenant pas en compte la dynamique de la transmission du choléra », explique Jason Andrews, de l’école de santé publique de Harvard (Boston), coauteur avec Sanjay Basu d’un nouveau modèle mathématique intégrant les dernières données sur la pathogenèse du choléra. Dans ce modèle, les individus ont tous une susceptibilité à l’infection et sont à risque de consommer une eau contaminée par le bacille Vibrio cholerae. Certains de ceux qui auront ingéré le bacille développeront la maladie et excréteront le vibrio cholérique, participant à la propagation de l’infection ; parmi eux, certains guériront et seront immunisés contre l’infection mais cette immunité diminuera avec le temps jusqu’à disparaître, les rendant de nouveau susceptibles. D’autres parmi ceux qui auront ingéré de l’eau contaminée, seront asymptomatiques, excrétant du vibrio mais en quantité moindre que les premiers. De plus, des études récentes montrent qu’après une période d’hyperinfectiosité, le vibrio excrété dans l’environnement retourne à un état de faible infectiosité, la quantité de vibrio nécessaire pour provoquer une infection étant alors plus importante.
Les chercheurs ont ensuite adapté leur modèle à la situation en Haïti en intégrant les données d’incidence relevées dans chaque province de l’île entre le 31 octobre 2010 et le 24 janvier 2011. Leurs projections couvrent une période de 9 mois, entre le 1er mars et le 30 novembre 2011. Les résultats publiés sur www.thelancet.com (16 mars 2011) prédisent une épidémie 2 fois plus importante que ne l’avait envisagé l’OMS dans ses dernières évaluations. L’organisation avait d’abord envisagé un nombre de cas évalué à 200 000 sur un an avec un taux d’attaque de 2 % puis, deux semaines plus tard, « sans aucune explication », relèvent les auteurs, à 400 000 avec un taux d’attaque de 4 %.
Impact des mesures de lutte.
Munis de leur modèle, ils estiment, eux, que 779 000 cas de choléra et 11 100 décès devraient être enregistrés en neuf mois, du 1er mars au 31 novembre 2011.
Cette réévaluation de l’ampleur de l’épidémie s’accompagne d’une mesure de l’impact des mesures de lutte contre l’épidémie qui ont été débattues « sans jamais une estimation comparative de leurs effets respectifs ». Parmi ces moyens, certains mettent l’accent sur l’accès à l’eau potable tandis que certains experts ont soulevé le problème de la vaccination que l’OMS ne recommandait pas avant de changer d’avis en mars 2010, estimant que son impact sur les épidémies une fois qu’elles ont commencé, était insuffisant. Quant aux antibiotiques recommandés uniquement dans les cas sévères, certains experts estiment qu’un traitement étendu aux cas modéré (5-10 % de pertes hydriques) permettrait de réduire la morbidité, la durée de l’infection et le coût de la maladie.
L’étude de Jason Andrews et Sanjay Basu apporte quelques éléments de réponse sur ces controverses. Elle montre qu’une réduction de seulement 1 % par semaine des personnes consommant de l’eau contaminée permettrait de prévenir la survenue de 105 000 cas de choléra et de sauver 1 500 vies. De même, une campagne visant à partir du 1er mars à vacciner 10 % de la population permettrait d’éviter 63 000 cas et 900 décès. Tandis qu’on enregistrerait 9 000 cas et 1 300 décès de moins si un traitement antibiotique était instauré dans tous les cas d’infection sévère et 50 % des cas modérés. L’étude montre surtout que la combinaison des trois interventions serait l’option la plus efficace car elle permettait de prévenir 170 000 cas et 3 400 décès.
Dans un éditorial, David A. Sack estime que la controverse n’a plus lieu d’être car « choisir entre les 3 options n’est pas rentable ». Toutefois, l’auteur estime que dans les pays pauvres comme Haïti ou certains pays africains ou asiatiques, dans lesquels l’accès au traitement et à l’eau est difficile, la vaccination est essentielle. Dans ces circonstances, « limiter le recours à un vaccin oral facile d’utilisation, sûr, efficace, peu coûteux qui induit une immunité de groupe et sauver des vies, est incompréhensible », conclut-il.
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