L’AMÉRICAIN qui fait l’événement avant les cérémonies du 65 e anniversaire du Débarquement, contre toute attente, est une Américaine : cette quinquagénaire venue des États-Unis pour préparer la commémoration au cimetière de Colleville-sur-mer, le 6 juin, en présence du président Barack Obama, a été orientée vendredi dernier à la mi-journée vers l’hôpital le plus proche, à 17 km de là, à Bayeux. « Sa prise en charge s’est déroulée conformément aux préconisations nationales », précise le Dr Daniel Bonnieux, directeur adjoint du SAMU14 et responsable du dispositif de médical mis en place pour les cérémonies : un prélèvement pharyngé a été adressé aussitôt au laboratoire de virologie du CHU de Caen. Les résultats ont confirmé trois heures plus tard un cas de grippe A(H1N1), le 24 e en France. L’intéressée a été hospitalisée en isolement au CHU et l’enquête, lancée en collaboration avec la CIRE (cellule interrégionale d’épidémiologie) de Rennes, a rapidement repéré 11 cas contact, qui ont tous reçu dans la soirée un premier traitement antiviral préventif et ont été confinés dans leurs chambres d’hôtel. Rendue publique vendredi matin, l’information a confirmé les appréhensions exprimées par des professionnels de santé, à la perspective de voir débarquer 3 000 Américains, en provenance du pays le plus contaminé actuellement par le virus AH1N1 et qui vont séjourner pendant plus d’une semaine sur un territoire relativement réduit, en contact avec des spectateurs qui risquent d’affluer en grand nombre. Parmi eux, le Dr Gilles Tonani, président de l’association départementale pour l’organisation de la PDS, prévoit « de l’ambiance : la nouvelle de la venue d’Obama n’a été confirmée que sur le tard, rappelle-t-il, les contours définitifs des sites des cérémonies n’étaient toujours pas dessinés avec exactitude huit jours avant l’événement et le risque épidémique fait évidemment monter la pression. »
Plus particulièrement concernés, les généralistes du secteur ne sont pas à la fête. Installé depuis dix-neuf ans à Port-en-Bessin, à une dizaine de km de Colleville-sur-mer, le Dr Yannick Tanay, pour avoir connu des événements commémoratifs de grande envergure, voire plus importants, comme le 50 e ou le 60 e anniversaires (« le Quotidien » du 1er juin 2004), ne se départit pas de sa sérénité devant le branle-bas-de-combat sécuritaire et médical inévitable en de telles circonstances. « Mais, note-t-il, avec le risque lié à la grippe, nous sommes face à une situation plus délicate. J’ai reçu une dotation de kits antigrippe aviaire avec des masques FFP2, mais je m’interroge sur les mesures de précaution. Est-ce qu’on ne pourrait pas mettre les médecins du secteur sous Tamiflu à titre préventif », se demande-t-il en particulier.
Pas de Tamiflu dans les pharmacies.
Encore plus proche du site officiel, à Trevières (6 km du cimetière américain), le Dr Corinne Duhamel admet qu’elle se sent bien isolée en première ligne : « Qu’est-ce que je fais cet après-midi si un patient est pris de toux dans la salle d’attente, avec les autres patients ? Quelle conduite dois-je tenir avec cette vendeuse d’un centre commercial très fréquenté de Bayeux, fébrile et qui se plaint de courbatures ? Dois-je prévenir le 15 ? » Le Dr Duhamel a constaté que les pharmacies ne disposaient pas de Tamiflu et se sent démunie face aux demandes de ses patients. Mais c’est surtout d’informations et de directives précises qu’elle se plaint de manquer.
Pour le Dr Bonnieux, pourtant, « les formations continues dispensées l’an dernier pour la grippe aviaire devraient permettre aux généralistes de faire face sans trop de problème. Les procédures sont claires et décrivent les marches à suivre en cas de suspicion de H1 N1, pour permettre de catégoriser les cas dans les meilleurs délais en appelant le 15. » S’agissant des risques de contamination entre patients, estime le directeur adjoint du SAMU 14, « sans doute une affiche dans les salles d’attente serait-elle utile, pour inviter ceux qui présentent des symptômes évocateurs de la grippe à rentrer chez eux et à alerter le 15. » La définition des cas contact pourrait-elle être revue, en lien avec l’afflux d’une population américaine à risque ? Certains y réfléchissent. Mais le souci prinicipal consiste un risque d’engorgement au centre 15 et de saturation des capacités d’analyse du laboratoire de virologie. D’où la nécessité de ne pas céder à la psychose, avec une médiatisation intempestive des événements.
Quoi qu’il arrive, les urgentistes s’attendent à vivre quelques jours sous haute tension. Comme un galop d’essais avec ce que leurs confrères, dans toute la France, pourraient bien connaître cet automne, lorsque le virus de la grippe saisonnière sera de retour dans l’hémisphère nord.
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