Jean-Marie Le Guen (PS)* : nous demandons une mission parlementaire
En tant que président de l’AP-HP, je tire la sonnette d’alarme à propos de la réquisition des internes. Elle menace de créer de très sérieux dysfonctionnements dans les hôpitaux, en particulier dans les services d’urgence, de médecine interne et de cancérologie. Cette politique de réquisition est également menée en dépit du bon sens auprès des médecins libéraux, alors que ceux-ci sont débordés par les consultations de patients contaminés par le virus.
Dans le même temps, nous voyons le gouvernement multiplier les pressions en faveur de la vaccination, quitte à susciter des réactions qui pourraient aller jusqu’à l’hystérie collective parmi les foules qui se pressent devant les centres. La surcommunication et la dramatisation alimentent un désordre contre-productif chez les Français.
Les sujets d’inquiétude se multiplient : des initiatives non éthiques sont prises comme dans le cas des sapeurs-pompiers de Paris : ceux qui refuseront de se faire vacciner seront pénalisés par des horaires de garde plus contraignants. Qu’en est-il aussi des professionnels de police, longtemps considérés comme prioritaires pour la vaccination, et aujourd’hui apparemment peu sollicités ? Et comment font les personnes qui ont des difficultés pour se déplacer, en l’absence de moyens de transports spéciaux ?
Enfin, la question des vaccinations en ville se pose plus que jamais pour que les généralistes et la médecine ambulatoire soulagent les centres sous haute tension.
Sur tous ces sujets, nous demandons une mission parlementaire : les élus ne sauraient abandonner les décisions de santé publique aux seuls responsables de la technostructure administrative.
* Député, vice-président de l’Office parlementaire des politiques de santé, ancien président de la mission parlementaire sur la grippe aviaire
Jean-Luc Preel (NC)* : une impression d’improvisation
Dans cette affaire qui a pourtant fait l’objet de nombreux préparatifs depuis le mois d’août, nous restons surpris par l’impression d’improvisation générale qui domine : la réquisition de médecins libéraux pour aller vacciner dans les centres collectifs est en contradiction avec la nécessité de maintenir leurs cabinets ouverts pour prendre en charge les patients. Le fait qu’ils n’aient pas l’autorisation de vacciner, alors qu’ils ont l’expérience, chaque hiver, de la vaccination contre la grippe saisonnière, est déconcertant, même si la question de la rémunération des actes reste posée, comme l’a relevé François Chérèque.
Cette impression d’improvisation est renforcée lorsque nous voyons apparaître au premier plan, la semaine dernière, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, qui semble prendre le commandement des opérations jusqu’alors menées par Roselyne Bachelot. Alors que toutes les mesures semblent pilotées par des technocrates parisiens, un débat parlementaire nous semblerait bienvenu.
* Député, vice-président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée
Jean-Luc Gibelin (PCF)* : faire la transparence sur les budgets
Si nous devons rester circonspects par rapport à une situation sanitaire qui demande avant tout des mesures efficaces sur le plan de la santé politique, cela n’empêche pas de réagir sur certains aspects du dispositif gouvernemental. En particulier, je suis en colère contre l’industrie pharmaceutique. Je l’accuse de ne pas avoir joué le jeu. C’est parce qu’elle a fourni des conditionnements en multidose que l’on a été contraint d’adopter un mode de gestion collectif de la vaccination, écartant les réseaux habituels qui auraient dû être en première ligne : les médecins de ville et les centres de santé. Aujourd’hui, la question des profits dégagés par les fabricants reste posée et une démarche d’enquête s’impose pour faire la transparence sur les budgets engloutis dans les achats de doses vaccinales, de masques et autres antiviraux.
Le gouvernement est d’autre part passé à côté de la dimension essentielle que doit revêtir toute politique de lutte contre une pandémie : faire de tous les citoyens les acteurs de leur santé. Au lieu de ça, nous avons observé une démarche de culpabilisation et d’intimidation, qui a irresponsabilisé la population.
* Responsable de la commission santé au comité exécutif du Parti communiste français.
Frédéric Lefebvre (UMP)* : la balle est dans le camp des généralistes.
La situation dans les centres de vaccination collective interpelle beaucoup de nos concitoyens. Il est vrai, et je l’ai moi même expérimenté avec des proches, que le fonctionnement des centres est inégal, selon les départements. Dans certaines régions, les délais d’attente peuvent être importants. Le président de la République est lui-même intervenu à ce sujet pour demander au gouvernement de prendre des dispositions complémentaires.
Le choix, fait par Roselyne Bachelot, d’une vaccination collective, a été dicté au départ par des impératifs techniques mis en avant par les experts scientifiques et médicaux : la livraison des vaccins en flacons multidoses, la nécessité de veiller à la priorisation des personnes, selon les facteurs de risques, ainsi que les risques d’engorgement qui menaçaient de déborder les médecins, ou les risques de contagion dans leurs salles d’attente, tout cela a conduit le gouvernement à organiser la campagne dans des structures collectives.
C’est le cas dans la majorité des pays d’Europe.
Cela dit, le plan de vaccination est, par construction, évolutif. Face aux difficultés rencontrées dans les régions où les centres sont débordés, il ne serait pas anormal de se poser quelques questions : peut-on, en complémentarité des centres, prévoir une implication des médecins généralistes ? Sur les lieux de travail ? Ou dans des lieux publics ou privés dédiés à la vaccination pour éviter les risques de contagion ? L’essentiel est d’être réactif face à une pandémie qui s’accentue et peut s’aggraver. Cela nécessite que les libéraux s’engagent à pratiquer des tarifs correspondant à la prise en charge par les centres collectifs. Mais cela demande aussi des dispositions particulières. On voit les problèmes qui sont survenus en Belgique ou en Suisse : les médecins ont été obligés de se regrouper au sein de lieux publics. Roselyne Bachelot est à l’écoute des propositions des médecins généralistes. La balle est dans leur camp.
Quant aux protestations émises par le Parti socialiste au sujet de la vaccination, elles relèvent du procès d’intention et de la politisation gratuite. Ce sont les mêmes socialistes qui, il y a quelques semaines, dénonçaient des mesures qu’ils qualifiaient de disproportionnées face à une « grippette ». Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui reprochent au gouvernement de ne pas en faire assez. Dans les deux cas, sur un sujet qui devrait faire l’objet d’un consensus national, leurs interventions sont également déplacées.
* Porte-parole de l’Union pour une majorité populaire.
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