Pendant plus de deux millions d'années, l'homme n'a consommé que des aliments crus. La domestication du feu ne date, en effet, que de 400 000 ans. « Lorsque l'homme a maîtrisé le feu, il a d'abord déposé son steak de bison ou de mammouth directement sur les braises, à proximité des flammes, ou encore, sur des pierres plates chauffées sur le foyer », indique Éric Birlouez, ingénieur agronome et spécialiste de l'histoire de l'alimentation (1).
Pour pouvoir cuir dans l'eau, nos lointains ancêtres ont dû attendre l'invention de la poterie (apparue en Chine du Nord il y a à environ 15 000 ans et au proche Orient 6 000 ans plus tard). Les premières utilisations de la poterie marquent une avancée importante en matière de cuisson : l'homme peut cuire sa viande en utilisant un récipient étanche et qui résiste au feu. De là naît la cuisson « à la chaleur humide ». « Avant l'invention de la cuisson dans l'eau, un autre mode de cuisson, toujours en usage en Polynésie a vu le jour : la cuisson à l'étouffée. Celle-ci consistait à enrober des morceaux de viande dans des grandes feuilles d'arbre. Un trou était creusé dans la terre ; un feu était allumé au fond de cette cavité qui accumulait ainsi la chaleur et permettait de cuire les aliments dans leur propre jus », ajoute Éric Birlouez.
Du signe social à la médecine
Au Moyen-Âge, l'utilisation de la cuisson revêt un caractère symbolique et social. Les familles aisées privilégient les viandes grillées, rôties : les grandes pièces de bœuf tournent sur les broches dans les grandes cheminées. Les familles défavorisées, quant à elles, cuisent leurs viandes dans des pots de terre cuite n'ayant pas les moyens de se procurer des ustensiles en métal (tels que les broches). « Pour les aristocrates, le fait de faire griller la viande -avec un contact étroit entre la pièce de viande et le feu- symbolise le rapport qu'ils entretiennent avec la nature. En effet, les seigneurs pratiquaient la chasse, ils entretenaient une relation très directe avec la nature sauvage, brute. Tandis que les familles pauvres pratiquaient des cuissons bouillies, symboles d'une médiation entre eux et la nature », confie Éric Birlouez. Par ailleurs, faire griller la viande à la broche est, alors, synonyme de richesse puisque les graisses animales tombent dans le feu. Les familles défavorisées n'ont pas les moyens d'un tel gaspillage. « Les cuissons lentes (bouillies) permettaient aussi d'attendrir les viandes les plus dures (cartilagineuses), de piètre qualité », souligne Jean-Paul Bonhoure, enseignant-chercheur, chimie appliquée et transformation des ressources à l'école UniLaSalle (Beauvais).
Pendant le Moyen-Âge et pendant la Renaissance, la façon de se nourrir est très axée sur la médecine. La « théorie des humeurs » considère ainsi que certains types de viandes sont trop chaudes, trop sèches et d'autres, trop froides et trop humides. Pour équilibrer ces dernières, il faut alors les assécher en les faisant griller au contact des braises. À l’inverse, les viandes trop sèches sont bouillies en pots.
Pot-au-feu versus bifteck
Dès le XVIIe siècle, les ustensiles de cuisine deviennent populaires (marmites, cuisinières en fonte…). « Mais il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour voir apparaître les cuisinières individuelles électriques. Les ménagères ont du temps et souvent, peu de moyens : les morceaux sont utilisés dans des ragoûts, la cuisson bouillie est très prisée et le pot-au-feu devient le plat emblématique de cette période », note Jean-Paul Bonhoure. De nos jours, le temps consacré à la cuisine étant bien plus réduit et les moyens alloués à la nourriture, plus importants, les modes de cuissons ont évolué. « Les cuissons longues, braisées (pot-au-feu, bœuf bourguignon…) ou mijotées sont réservées aux repas festifs et aux jours fériés. Le bifteck est devenu la référence dans le cadre de cuissons courtes (grillées ou poêlées) », conclut le Dr Jean-Michel Lecerf (2), médecin nutritionniste, Institut Pasteur Lille.
(1) Petites histoires & grandes recettes de la gastronomie française. Éric Birlouez, Isabelle Dreyfus. Éditions L'imprévu, octobre 2016. Grand format. 30 euros
(2) La viande/un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout ? Lecerf Jean-Michel Éditions Buchet-Chastel. Dans le vif. 12 euros
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