Les radiofréquences ont un « effet possible » sur les fonctions cognitives des enfants de moins de 6 ans, estime l'Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail (ANSES), dans l'avis relatif à l'expertise collective « Exposition aux radiofréquences et santé des enfants », publié ce 8 juillet en réponse à une saisine de 2011 et dans le prolongement des précédents rapports sur les radiofréquences en 2009 et 2013.
Malgré le faible nombre d'études consacrées aux enfants de moins de 6 ans, cette population est très exposée aux radiofréquences, et le sera a fortiori sur la durée, une fois adulte. L'ANSES observe une « forte expansion de l'usage des nouvelles technologies », pour le jeu (tablettes, talkies-walkies, jouets radiocommandés) ou dans une finalité de surveillance (baby-phones), à domicile ou à l'école et dans les autres lieux publics.
Exposés, et vulnérables
Ils sont en outre particulièrement sensibles, en raison du développement en cours de leurs organes et de leurs fonctions physiologiques. « Dans le cas des expositions environnementales, liées à des sources lointaines, la petite taille des enfants (< 1,30 m) peut, par effet de résonance, engendrer des expositions moyennes sur le corps entier plus élevées que pour les adultes », lit-on. Le dépassement du débit d'absorption spécifique (DAS) peut s'élever à 40 % lorsque l'exposition atteint le niveau maximal autorisé pour les adultes.
Les particularités morphologiques, anatomiques, et la nature des tissus des enfants, les rendent aussi plus vulnérables aux expositions localisées (comme le téléphone mobile).
Le comité d'experts spécialisés a analysé plusieurs études sur différents effets sanitaires des radiofréquences. Si les données actuelles ne permettent pas de conclure à l'existence ou non d'un effet chez l'enfant sur le comportement, le sommeil, les fonctions auditives, les effets tératogènes et le développement, le système reproducteur mâle et femme, les effets cancérogènes, le système immunitaire, la toxicité systémique, les experts relèvent un effet possible sur les fonctions cognitives.
Usage du téléphone perturbant pour le bien-être
Les experts relèvent en outre des effets sur le bien-être, qui pourraient être liés d'avantage à l'usage du téléphone mobile, plutôt qu'aux radiofréquences. « il paraît plausible que des enfants ou des adolescents qui utilisent leur téléphone mobile après avoir éteint la lumière et entre minuit et 3 heures du matin soient plus fatigués, irritables et aient des maux de tête le lendemain ou dans l’année qui suit », lit-on.
L'ANSES cite en outre trois études de taille importante auprès d'adolescents sur « l'usage problématique du téléphone mobile », indiquant des associations avec la dépression, des comportements à risques, une faible estime de soi et l'altération de la santé mentale, jusqu'à des idées suicidaires. Mais ces études transversales n'explorent pas la causalité des associations, sans compter que l'usage du téléphone peut n'être qu'un révélateur. Aussi l'agence enjoint-elle à lancer de nouvelles études.
Les experts soulignent enfin l'impossibilité de conclure à l'existence ou non d'un effet cancérogène des radiofréquences chez l’enfant. « Dans la mesure où les tumeurs de l'enfant ne sont pas comparables à celles de l'adulte, les conclusions du rapport de 2013 montrant un effet limité chez l'adulte sont difficilement extrapolables à l'enfant », lit-on.
Réévaluer la pertinence du DAS et exposition réelle
L'ANSES ne se prononce pas en faveur d'une interdiction des téléphones et autres outils radioélectriques pour les moins de six ans, inscrite dans la loi Grenelle II de janvier 2010, et à l'origine de la saisine de la DGS en 2011.
Mais l'agence recommande de réviser les valeurs limites d'exposition réglementaires et les indicateurs d'exposition. Ces valeurs devraient être adaptées aux spécificités des enfants, que ce soit pour des champs électromagnétiques proches ou lointains. L'ANSES considère qu'il est nécessaire de réévaluer la pertinence du DAS utilisé pour l'établissement des valeurs limites d'exposition des personnes, et de développer un indicateur représentatif de l'exposition réelle des utilisateurs de mobiles.
L'ANSES recommande aussi d'étendre à toutes les sources d'émissions artificielles de rayonnements, la réglementation destinée à réguler l'exposition de la population générale aux champs liés aux télécommunications.
L'agence conseille les parents de limiter l'utilisation par les enfants des dispositifs électroniques émetteurs, et de ne pas laisser un téléphone en communication, au contact du corps. Elle les invite à former leur enfant à un usage raisonnable du téléphone (éviter les communications nocturnes, limiter la fréquence et durée des appels, utiliser le kit mains libres).
Enfin, elle appelle à développer la recherche, et à lancer des études sur la caractérisation des expositions, et leurs effets sanitaires notamment pour explorer les liens entre usage intensif du portable et comportements à risque, dépression ou idées suicidaires.
Des recommandations de bon sens
« Ces recommandations vont dans le bon sens », a réagi l'association PRIARTEM, qui renvoie la balle désormais aux autorités politiques pour leur mise en œuvre. L'association indique qu'elle va demander, sur la base de ce rapport, une réévaluation du processus normal et des mesures concrètes de protection des enfants, dont l'arrêt du plan numérique à l'école impliquant la distribution de tablettes dans les classes. L'association appelle enfin à un grand débat public sur le développement numérique.
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