Apnée du sommeil

Redéfinir la place de la ventilation auto-asservie

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Publié le 10/10/2016
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En juin dernier, la Haute autorité de santé rendait un avis peu indulgent envers la ventilation auto-asservie (VAA).

Le comité de la transparence contre-indiquait son utilisation chez les patients souffrant d'apnée du sommeil central associée à une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée, et estimait que les études ne permettaient pas de conclure à son intérêt dans les autres étiologies de l'apnée du sommeil. La VAA constitue une évolution de la pression positive continue. Ce mode ventilatoire associe une aide inspiratoire variable et une pression expiratoire fixe ou autopilotée.

Cet avis faisait suite aux résultats de l'étude SERVE-HF, qui avaient provoqué un véritable séisme en démontrant que la VAA augmentait de 34 % le risque de mortalité des patients atteints d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection altérées et d'apnée du sommeil centrale, et leur mortalité cardiovasculaire de près de 30 %. Pour savoir dans quelle mesure la VAA peut encore être utilisée, la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS) lancera en janvier l'étude de cohorte FACIL-VAA.

De multiples étiologies

En effet, seulement 15 % des 35 000 patients sous VAA début 2015 souffraient d'une apnée du sommeil centrale dans l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection dégradée, et ont donc dû arrêter leur traitement. Les autres étaient atteints d'une apnée du sommeil centrale complexe, idiopathique, induite par les opiacés ou un AVC, ou associée à une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée.

L'étude FACIL-VAA débutera par la constitution d'un registre prospectif de 900 patients dans 50 centres. Le principal critère d'évaluation sera la qualité du sommeil, mesurée à l'aide de l'index de qualité du sommeil de Pittsburgh (PSQI). « Jusqu'à présent, toutes les études mesuraient avant tout l'index d'apnées hypopnées, explique le Pr Jean-Claude Meurice, chef du service de pneumologie du CHRU de Poitiers et président de la SFRMS, nous ne sommes plus certains que ce soit le critère le plus pertinent ».

Les critères secondaires seront la saturation en oxygène, la qualité de vie, la somnolence diurne et la tolérance au traitement, ainsi qu'un recueil de la morbi mortalité et des coûts de santé. Au bout d'un an, une étude secondaire randomisée sur les patients insuffisants cardiaques à fraction d'éjection préservée pourra être réalisée.

La VAA sur le fil

Pour la SFMRS, il y a urgence à produire ces résultats car, faute d'indication pour la VAA, sa prise en charge ne tient qu'à un fil. Son remboursement n'est pas inscrit sur la Liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Néanmoins, l'utilisation de ventilateurs auto-asservis chez les patients ayant des apnées centrales du sommeil ou une respiration de Cheyne-Stokes est actuellement prise en charge par le biais du forfait 6 de ventilation assistée ou du forfait 9 de pression positive continue.

Cette prise en charge « détournée » bénéficie d'un sursis de la HAS qui pourrait durer « le temps que nous ayons de données solides à proposer, explique le Pr Marie-Pia D'Ortho, du centre du sommeil du CHU Bichat, mais nous avons une clause de revoyure un an après l'avis de la HAS et il se peut donc que la ventilation ne soit plus prise en charge dès l'été prochain », s'inquiète-t-elle.

Les promoteurs de l'étude réfutent l'idée selon laquelle ils chercheraient à « sauver la ventilation auto-asservie ». Pour le Pr Meurice, « nous voulons avant tout traiter des patients pour lesquels nous n'avons aucune option thérapeutique, surtout ceux souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée chez qui les IEC, les ARA II et les minéralocorticoïdes ne fonctionnent pas ».

Face au refus des autorités sanitaire de soutenir financièrement l'étude, la SFRMS s'est tournée vers les 3 fabricants d'appareils, Philips, ResMed et Löwenstein/Weiman qui ont accepté de financer ce travail. « Nous aurions apprécié que les autorités de santé ne se contentent pas de nous demander de débrancher tous les appareils et montent eux-mêmes une cohorte de suivis », reproche le Pr Jean Marc Davy, du département de cardiologie et maladies vasculaire du CHU de Montpellier qui participe au projet.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9524