Madame la Ministre,
Représentant les scientifiques et professionnels de la nutrition et de la santé publique, nous tenons à vous faire part de notre profonde inquiétude liée à la publication, le 4 février dernier, du nouveau Plan Cancer, mais également de nos espoirs dans la Stratégie Nationale de Santé pour redonner un nouvel élan à la politique nutritionnelle de santé publique.
Tout d’abord, nous vous faisons part de notre profonde inquiétude face à la modestie des propositions faites dans le domaine de la nutrition dans le Plan Cancer : cette modestie concerne à la fois la prévention : une seule page sur 152 alors qu’il est reconnu qu’environ 1/3 des cancers les plus fréquents dans les pays industrialisés pourraient être évités grâce à la prévention nutritionnelle (incluant l’alimentation et l’activité physique). La part des cancers évitables par la prévention nutritionnelle (intégrant l’obésité) atteindrait plus de 65 % pour les cancers des voies aéro-digestives hautes et 50 % pour les cancers colorectaux. Les quelques actions retenues dans le nouveau Plan Cancer visent essentiellement à responsabiliser, une fois de plus, l’individu sans agir sur l’amélioration de son environnement, qu’il s’agisse de l’alimentation ou de l’activité physique. La communication et l’information générique telles qu’elles sont prônées dans le Plan Cancer, sont peu efficaces et pourraient constituer un facteur aggravant des inégalités sociales de santé (ISS) que le Plan Cancer affirme pourtant vouloir combattre avec force.
Pour être efficace dans la lutte contre les ISS, comme cela a été rappelé dans le rapport que les Prs Serge Hercberg et Arnaud Basdevant vous ont remis le 28 janvier 2014, il faut associer des mesures vers la population générale visant à améliorer l’offre alimentaire et l’offre d’activités physiques, à des mesures plus ciblées vers les populations défavorisées ou les populations à risques comme les patients obèses.
Elle concerne aussi la prise en charge de ces patients. 40 % des patients cancéreux sont dénutris, et chez ces patients la perte de poids est associée à une morbidité propre, à la non-atteinte des objectifs thérapeutiques et par là même à une augmentation de la mortalité. Cet autre versant de la nutrition (la nutrition comme soin de support) n’est absolument pas abordé, ni dans ses objectifs ni dans ses moyens
Donner un nouvel élan à la politique nutritionnelle
C’est le sens des propositions que les Prs Hercberg et Basdevant vous ont faites. Parmi les mesures proposées :
- certaines concernent l’industrie agroalimentaire notamment l’information du consommateur sur la qualité nutritionnelle des aliments et la régulation de la publicité7. Elles doivent être discutées en termes d’application avec les acteurs concernés et les associations de consommateurs. Ces propositions s’inscrivent dans une collaboration avec les opérateurs économiques que nous jugeons indispensable, pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et leur accessibilité pour tous, et valoriser les efforts de ceux qui s’engagent dans une stratégie d’amélioration nutritionnelle de leurs produits ;
- d’autres visent à améliorer l’environnement : installations de fontaines d’eau dans les écoles, promotions des jardins communautaires, amélioration de l’offre en matière d’activité physique, modification du regard de notre société sur l’image corporelle, etc. ;
- un dernier ensemble de mesures, regroupées dans la seconde partie du rapport vise à améliorer le parcours de soins dans le domaine de la nutrition et notamment à faciliter l’accès au soin nutritionnel pour les populations défavorisées.
Madame la Ministre, pour faire face aux grands enjeux de santé publique liés à la nutrition et lutter efficacement contre les ISS, bataille dans laquelle vous vous êtes engagée, il est nécessaire que soient inscrites dans la Stratégie Nationale de Santé des mesures de prévention de grande envergure qui prennent en compte les multiples déterminants de la santé conformément aux résolutions de l’Assemblée mondiale de la Santé et de son Plan d’action mondial de lutte contre les maladies non transmissibles 2013-2020. Ce plan comprend un ensemble de mesures pour promouvoir une alimentation saine et l’exercice physique et atteindre les 9 cibles mondiales volontaires pour les maladies non transmissibles, notamment celles concernant l’alimentation et l’exercice physique qui doivent être réalisées d’ici 2025 (résolution WHA66.10).
Vous pouvez compter sur notre soutien actif pour vous accompagner dans la construction de la SNS afin de redonner un nouvel élan à la politique nutritionnelle de santé publique.
Veuillez croire, Madame la Ministre, à l’expression de toute notre considération.
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