« Le seul fait qu’une équipe médicale intervienne dans l’urgence au côté de policiers pour une situation de violences intrafamiliales avec des enfants victimes directes ou témoins, facilite l’accès aux soins de ces derniers », a expliqué Steven Marans, responsable du Centre de ressources en pédopsychiatrie sur la violence aux États-Unis, au cours d’une conférence donnée à Rennes devant un parterre pluriprofessionnel dans le cadre du diplôme interuniversitaire « Adolescents difficiles »*. « Nous observons que ces enfants sont 60 % plus nombreux à amorcer une démarche de soins. Ce qui permet de limiter le risque traumatologique. »
Initié il y a une vingtaine d’années à New Haven, dans le Connecticut, ce dispositif partenarial médecins-police est régulièrement cité par Sylvie Tordjman, responsable du pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Rennes et professeur des universités, car il offre une réponse à cette problématique centrale pour l’équipe rennaise : la non-demande de soins. « Les études nous montrent le lien fort entre violence subie et violence agie, a-t-elle plaidé devant les professionnels réunis et venant du champ socio-éducatif, de la justice, de la santé, de l’Éducation nationale, de la Police et de la Gendarmerie. Ce lien n’existe pas dans tous les cas, mais il nous incite à nous poser la question suivante : comment repère-t-on l’enfant pour qui telle situation de violences sera traumatisante ? »
Créer un lien.
Pour la pédopsychiatre rennaise, la réponse passe par une démarche volontariste de création de lien : « Qui peut, à part les services et les professionnels qui ont connaissance d’une situation de violences intrafamiliales, aller au contact de ces familles qui ne vont pas d’elles-mêmes téléphoner pour dire : chez nous, il y a de la violence… et, au minimum, évaluer s’il y a besoin d’un suivi. » C’est ce qui explique qu’un travail entamé il y a un an avec le parquet et la gendarmerie a abouti à l’élaboration collective d’une fiche navette « très simple ».
L’expérience a montré que cette formalisation du lien entre professionnels – qui est allée aux États-Unis jusqu’à la formation de policiers par les soignants – est essentielle dans l’adhésion des membres de la famille. « Plus de 50 % des femmes chez qui une intervention duale a eu lieu vont enclencher des soins pour leurs enfants, souligne le Pr Marans. Nous avons constaté qu’elles vont également appeler par la suite la police plus souvent et pour des violences plus faibles. C’est le fait du double impact de la présence policière, particulièrement en cas de danger imminent (autorité de la loi et sentiment de confiance), renforcé par la proposition de soins. »
À Rennes, la fiche navette devrait être utilisée prochainement et concrétisera le travail de collaboration engagé entre l’équipe mobile et la gendarmerie. Des temps ont ainsi été organisés pour que les soignants découvrent la réalité du travail des gendarmes et réciproquement. La fiche permettra de demander formellement aux parents par exemple leur accord pour que l’équipe médicale entre en contact avec eux. « Nous partons de l’idée que le père n’est pas seulement un mari qui tape sur sa femme mais peut être aussi un père soucieux du bien-être de ses enfants », précise le Pr Sylvie Tordjman.
D’autres liens sont d’ores et déjà formalisés avec l’équipe de la CASED de Rennes (Cellule d’accueil spécialisée pour l’enfance en danger), à travers le partage d’une pédopsychiatre entre cette structure et le pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. La question d’un lieu unique permettant l’audition filmée des mineurs et la prise en charge médicale – comme cela se pratique déjà dans certaines régions – est à l’étude. Objectif : « Assurer un continuum », selon le pédiatre Michel Roussey, responsable de la CASED.
* DIU dispensé à Rennes, Brest et Nantes par les trois universités et les services de la Protection judiciaire de la jeunesse du Grand Ouest.
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