LE 22 AVRIL 2009, l’OMS annonce l’émergence d’un nouveau virus grippal A(H1N1) suite à la détection des premiers cas humains au Mexique. En France, le dispositif d’alerte et de surveillance est déclenché le 24 avril par l’Institut de veille sanitaire (InVS). « Une des missions de l’InVS est de produire des données non seulement pour la connaissance mais aussi pour l’action », souligne Françoise Weber, la directrice générale, en ouverture des Journées de l’Institut. « Sans l’InVS, on peut dire que l’action publique en santé serait partiellement aveugle sans doute moins réactive et moins ciblée », lance-t-elle. La production de données « utiles » permet « d’engager, de cibler, d’évaluer les actions de santé publique » mais aussi « d’anticiper les émergences et de gérer au jour le jour les crises », insiste-t-elle. Mais « comment fournir des données au jour le jour pendant la crise ? », interroge Françoise Weber. Comment améliorer les délais de production des données de surveillance, pour lesquels il faut compter 3 ou 4 ans, « ce qui n’est pas encore suffisamment cohérent avec le rythme des politiques de santé ».
Scénarios pris en défaut.
Deux ans après son début, la première pandémie du XXIe siècle, a donc servi d’exemple pour illustrer le rôle de vigie sanitaire et d’aide à la décision que joue l’InVS. Retour donc sur cet événement dont « la détection a été faite par le département international de l’InVS deux jours plus tôt que l’alerte officielle de l’OMS », assure Marc Gastellu-Etchegorry, directeur du département responsable de la veille internationale, un outil mis en place à l’InVS en 2003 dans le contexte de l’émergence du sras et de la grippe H5N1. L’objectif de cette veille est de détecter les menaces sanitaires internationales et de les caractériser. Elle consiste à trier les signaux issus de plusieurs sources, officielles, comme les ministères de la Santé ou l’OMS, et non officielles, comme les ONG et les médias, à les vérifier ensuite de façon systématique, à les analyser, à les mettre en forme et à les diffuser auprès des autorités sanitaires et des réseaux de santé publique. « Beaucoup de signaux entrent dans le système mais peu d’alertes en sortent et peu sont diffusées », note encore Marc Gastellu-Etchegorry.
En avril 2009, le département doit donc faire face à une vraie alerte. Celle-ci va « immédiatement présenter un tableau différent de celui que nous attendions ou que nous craignions », relève le responsable de la vielle internationale. « Nous pensions avoir un déclenchement de pandémie en milieu rural dans le Sud-Est asiatique, elle se déclenche au Mexique dans un environnement particulièrement touristique avec une multitude de voyageurs. Nous pensions avoir un temps de latence qui nous permettrait de voir venir la transmission interhumaine. Celle-ci est immédiate. » Les scénarios élaborés depuis que la grippe est considérée comme une priorité de la veille internationale sont pris en défaut. En revanche, les premières informations émises par les autorités mexicaines font craindre une forte létalité. Au 26 avril, les données diffusées faisaient état, à Mexico City, de « 850 cas de grippe dont 60 décès », se rappelle Marc Gastellu-Etchegorry.
Le climat est à l’inquiétude. Le département international continuera à suivre la situation en collectant les différentes informations provenant des pays touchés : Mexique, États-Unis, Canada, Espagne, Grande-Bretagne, mais aussi des départements d’Outre-mer, d’Argentine, du Chili, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Il participera aussi à la détection des cas importés lors de la phase d’endiguement – les premiers cas sont détectés en France le 1er mai 2009. L’évolution est rapide. À la fin du mois de juin, 120 pays sont touchés. En France, plus de 300 cas sont confirmés, la plupart chez des voyageurs de retour d’une zone affectée.
Toutefois, le département international fournit une description plutôt rassurante de ce qui se passe dans l’hémisphère sud. « Au 20 mai 2009, l’Institut met en ligne une note qui mentionne que la létalité est comparable à celle de la grippe saisonnière », précise son directeur. Bien sûr, l’incidence est plus importante, notamment chez les jeunes, ce qui laisse prévoir « des conséquences plus importantes que celles d’une grippe saisonnière ». La majorité des cas déclarés sont bénins mais des facteurs de risque sont identifiés : l’existence d’une pathologie sous-jacente (90 % des 241 décès étudiés en juillet 2009 présentaient une pathologie métabolique, diabète ou obésité, une pathologie cardiaque ou respiratoire, une immunosuppression). D’autres facteurs sont plus surprenants : « Les femmes enceintes et les populations indigènes sont surreprésentées dans l’hémisphère sud parmi les hospitalisations et les décès ».
Pêcher par excès.
Alors pourquoi cet emballement médiatique, en dépit d’informations qui auraient dû rassurer avant même le démarrage de l’épidémie en France en septembre 2009 ? Marc Gastellu-Etchegorry tempère : « Les données recueillies dans l’hémisphère sud ne sont qu’un reflet de ce qui pourrait se passer dans l’hémisphère nord. » En particulier, la crainte d’une mutation du virus ne pouvait être exclue. Un argument que reprend Daniel Levy-Bruhl (InvS), qui a participé avec l’INSERM aux travaux de modélisation pour l’acquisition d’un stock de vaccins prépandémiques dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre une pandémie grippale, modèles qui ont été utilisés en période pandémique pour l’achat des antiviraux et l’estimation de la couverture vaccinale. « Nous avons ajusté nos valeurs mais nous avons pensé qu’il valait mieux dans ce cas prendre le risque de pêcher par excès que de baisser la garde trop rapidement », précise-t-il.
Reste que, comme le relève Marc Gastellu-Etchegorry, le travail réalisé par le département de veille sanitaire souffre sans doute d’un déficit de diffusion : « Nous avons besoin de donner une image plus précise de ce que nous faisons, de donner davantage de crédibilité et de visibilité aux travaux que nous menons ». Françoise Weber en a fait un des défis de l’Institut au cours des prochaines années : « Faire connaître l’InVS, la qualité, la rigueur et l’indépendance de nos travaux ». La directrice de l’InVS regrette que la parole des uns et des autres ait souvent le même poids dans les médias et que soient souvent confondus « avis scientifique, résultat scientifique et opinion ». L’enjeu est de taille car, assure-t-elle, « derrière nos données, il y a l’action et derrière l’action, la santé de chacun ».
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