LA FRANCE ne compte pas les SDF morts dans la rue. Le collectif Les morts de la rue en a dénombré 330 pour l’année 2008, mais il précise qu’il s’agit d’un « recensement artisanal et non exhaustif ». En l’absence de toute donnée statistique fiable, l’étude pilote menée par le Dr Vincent Girard constitue donc une première scientifique. Ce psychiatre formé à l’université de Yale (États-Unis), à la tête d’une équipe psychiatrie-précarité détachée de l’AP-HM (Assistance publique-hôpitaux de Marseille) en partenariat avec Médecins du Monde, a croisé deux sources de données pour l’année 2006 : les dossiers de levée de corps de l’unité de médecine légale de Marseille, soit 18 personnes sans abri sur 236, et le fichier du service informatique de l’AP-HM (sites Nord, Sud, Conception et Timone), soit 26 personnes (personnes vivant dans la rue, dans un squat, un logement insalubre, un foyer, un hôtel meublé, ou ayant pour adresse le siège d’une association).
La moyenne d’âge de décès pour les sept femmes étudiées atteint 44 ans, soit l’espérance de vie dans un pays en développement comme la République démocratique du Congo, au lieu des 84 ans de la population générale féminine (source INSEE), la moyenne pour les 37 hommes s’établissant à 56 ans, contre 77 ans pour la population générale masculine. Les personnes présentant des problèmes de santé mentale (addictions et pathologies psychiatriques) ont quant à eux une espérance de vie plus basse encore : 37 ans.
Un des chiffres les plus surprenants de l’étude concerne le taux de suicide qui, avec sept personnes, atteint 15,9 %. Le Dr Girard souligne que cela représente une proportion sept fois plus élevée que celle enregistrée parmi les détenus dans les prisons françaises, tout en notant l’existence d’un biais de sélection par l’unité de médecine légale, vers laquelle sont dirigées les morts suspectes.
Les autres principales causes de décès sont les pathologies digestives (20,45 %), pulmonaires (15,90 %), psychiatriques (9,09 %), ORL (9,09 %), cardiaques (4,54 %) et infectieuses(2,72 %).
En recoupant ces données avec les observations recueillies sur le terrain par l’équipe de rue, on constate que ces personnes sont souvent dans des situations à risques, avec des prises élevées de substances psychoactives ; sans avoir une connaissance approfondie des effets et des modalités habituelles, ces personnes consomment beaucoup de produits qu’elles ne choisissent pas.
Toutes les pathologies de ces personnes décédées ont été diagnostiquées à un stade très avancé, sans que les intéressés aient fait l’objet d’un suivi adapté. « Certaines, note le Dr Girard, sont venues jusqu’à trente ou quarante fois aux urgences des hôpitaux avant leur mort. Il s’agissait bien de personnes en demande de soins, psychiques ou somatiques, mais, faute d’un dispositif de prise en charge adapté et d’une meilleure connaissance de leurs besoins elles n’ont pu bénéficier du parcours de soins exigé par leur état. »
La mort comme un soulagement.
Pour le psychiatre marseillais, cette défaillance du système de santé est encore aggravée par « le sentiment d’inutilité, la faible estime de soi, la souffrance et la solitude que les personnes à la rue ne parviennent pas à surmonter. Les médicaments, quand il y en a et qu’ils sont remis à l’intéressé, ne font plus effet. La mort vient alors comme un soulagement. » Un tel contexte explique le fort taux de suicide enregistré par l’étude.
Pour Médecins du Monde, qui relaye cette étude, l’accès aux soins pour les sans-abri passe par un travail réseau. Pour lier un contact et gagner la confiance des personnes souffrant de troubles psychiques qui vivent dans la rue, l’équipe du Dr Girard s’appuie sur ses cinq salariés : un psychiatre, une infirmière psychiatrique, une éducatrice spécialisée, mais aussi sur deux « travailleurs pairs », qui ont vécu personnellement l’expérience de la rue. Un lieu de vie a par ailleurs ouvert ses portes en centre-ville, le Marabout 46, à la fois structure de jour pour toute personne à la rue et habitat privé de nuit pour les personnes qui nécessitent un suivi psychiatrique particulier. Habitants, éducateurs, soignants et personnes de passages s’y côtoient, en dehors des cloisonnements habituels du système de santé et d’une hospitalisation classique que les sans-abri vivent souvent comme une mesure d’enfermement.
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