Les travailleurs du secteur des déchets (collecte, gestion et valorisation) sont exposés « à de multiples facteurs de risque », notamment substances chimiques, bactéries, moisissures, bruit ou vibrations mécaniques, selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), publié ce 19 décembre.
Ces travailleurs subissent par ailleurs des « conditions de travail pénibles » (port de charges lourdes, gestes répétitifs, travail de nuit) et sont exposés à des risques pour la santé psychique « liés aux conditions de travail, à l’organisation et aux représentations des métiers des déchets », ajoute cette première expertise de l’Agence sur ce secteur.
« Les salariés des filières déchets connaissent une poly-exposition à différents risques, insiste auprès du « Quotidien » Henri Bastos, adjoint « Santé-Travail » de la direction de l’évaluation des risques de l’ANSES. Mais, alors que ce secteur est en plein développement, il n’est souvent envisagé que sous l’angle environnemental. Notre objectif est de rendre visibles les risques sanitaires liés à ce secteur et les salariés qui y sont exposés. »
Des accidents du travail plus fréquents et plus graves
Ce secteur enregistre en effet les accidents du travail « les plus fréquents et les plus graves », observe l’ANSES. La fréquence des arrêts de travail y était, sur la période de 2005 à 2010, deux fois supérieure à la moyenne, selon la DARES (Direction recherche, études et statistiques du ministère du travail). Et, « en 2016, le nombre moyen d’accidents du travail pour les activités du secteur atteignait 59 pour 1 000 salariés alors qu’il est de 33,8 pour 1 000 salariés tous secteurs confondus », complète l’ANSES.
Le suivi par la médecine du travail des salariés de ce secteur apparaît par ailleurs complexe. « Deux problématiques se posent, explique Henri Bastos. Il y a d’abord un manque de connaissances des substances auxquelles sont confrontés ces salariés et qui conditionnent le suivi. » Et ce d’autant que des écarts à la réglementation peuvent être constatés, souligne l’expertise, citant la présence de déchets des activités de soins et à risques infectieux (DASRI) dans les ordures ménagères ou la présence d’amiante dans les déchets industriels banals. « Ensuite, le suivi est compliqué par le statut de ces salariés qui peuvent être des intérimaires ou des sous-traitants : leur suivi médical ne dépend donc pas de l’entreprise de gestion des déchets », poursuit Henri Bastos.
Fruit d’une autosaisine de l’ANSES en 2016, cette expertise s’est par ailleurs heurtée à plusieurs difficultés. La première relève de la grande variété des déchets traités et donc des risques associés : variété selon la provenance (déchets ménagers, des collectivités, des entreprises, de l’agriculture et de la sylviculture, de la construction et de la démolition, d’activités de soins à risques infectieux et assimilés, d’équipements électriques et électroniques, de l’automobile) et leur nature (banals, inertes, dangereux).
Un manque de documentation
Une autre difficulté provient du manque de données disponibles sur les risques sanitaires liés à de nombreux déchets. Des risques émergents ont également été identifiés avec le traitement de matériaux nouveaux, comme ceux issus des panneaux solaires (tellurure de cadmium et arséniure de gallium, notamment), ou avec le développement de nouveaux modes de production d’énergie à partir de déchets.
Pour s’y retrouver, les auteurs ont distingué les filières industrielles en termes d’impact sur la santé. Six catégories de filières sont ainsi définies : de celles où les risques sanitaires sont documentés à celles où les potentiels de risques chimiques et biologiques sont indéterminés (expositions non documentées ou dangers non identifiés dans la littérature consultée).
Prévention, suivi médical, écoconception, plusieurs recommandations
L’expertise aboutit à une série de recommandations selon ces catégories. Elles portent sur la nécessité de développer les connaissances en la matière, de mieux « sensibiliser à la prévention des risques », d’« améliorer le suivi médical des professionnels des déchets » ou encore d’« intégrer les impacts pour la santé de ces professionnels dans les activités d’écoconception ».
Dans l’optique d’améliorer les connaissances, l’ANSES a notamment identifié trois filières prioritaires : les filières « déchets du BTP », « bois » et « emballages ménagers ». L’Agence lance d’ailleurs une évaluation sur cette dernière filière, car « les risques potentiels sont élevés », souligne Henri Bastos. L’activité de ce secteur est également amenée à augmenter, « en raison d’une croissance du tri des déchets, mais aussi parce que des pays qui recyclaient ces déchets ne veulent plus le faire », poursuit-il.
L’Agence insiste également sur le besoin d’une réflexion sur la prise en compte des questions de santé psychique dans ses travaux. Les auteurs invitent enfin les services de santé au travail à « s’emparer des constats » du rapport, afin « d’améliorer le suivi médical des professionnels des déchets (suivi des expositions, mise en place d’études épidémiologiques, organisation de réunions d’échanges entre professionnels des déchets et médecins du travail…) ».
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie