VOILÀ PRÈS d’une semaine que Jacques Bérès est rentré de Syrie. À 71 ans, les traits de son visage sont reposés, mais l’émotion pointe dans sa voix et ses yeux. Entouré des présidents des associations qui l’ont mandaté, Hassem Farsadou, pour l’Union des associations musulmanes du 93 (UAM93) et Ismaël Hachem, pour France Syrie Démocratie, le chirurgien de formation témoigne avec humilité, pour aider la cause d’un peuple. « Médicalement, c’est une goutte d’eau, même si c’est sympa pour les quelques personnes qui en bénéficient. Mais c’est un symbole. J’ai mis 20 ans à comprendre de quoi on me remercie : ce n’est pas pour mes compétences chirurgicales, car j’ai rendu des morts, mais les gens remercient qu’on soit venu avec eux », confie, bouleversé, Jacques Bérès. Ses prouesses, il les taira donc. C’est Ismaël Hachem qui parlera « d’acte de bravoure, qui doit montrer l’exemple ».
Le médecin raconte d’abord dans les grandes lignes les difficultés qu’il a dû affronter pour se rendre aux côtés des Syriens. Premier pas, se faire mandater. Il dénonce « la tendance à la légalisation, au risque zéro qui n’existe pas » des grandes organisations non-gouvernementales (ONG) qui les empêchent « d’envoyer des expatriés ». C’est donc grâce à l’UAM93, avec qui il a déjà effectué 5 missions à Gaza, et France Syrie Démocratie, qu’il réussit à partir, sans visa. À l’aéroport de Beyrouth, une « filière » de médecinsle conduit jusqu’à la frontière libano-syrienne, où l’opposition prend le relais jusqu’à Homs. Le couloir par lequel il est passé est désormais fermé.
Perversion et injustice.
Une fois dans cette « ville morte, martyre, bombardée, où les rues sont désertes », Jacques Bérès rejoint un hôpital de fortune, où il passe aussi ses nuits. Les locaux des structures gouvernementales sont investis par les services de sécurité et n’accueillent aujourd’hui plus que les partisans du gouvernement de Bachar Al-Assad. « Dans les hôpitaux publics, il y a eu des gens amputés pour rien, pas soignés ou alors kidnappés ou achevés… C’est une horreur. La cruauté, la perversion, l’injustice de tout cela, ce sont les trois choses qui frappent le plus », confirme le Dr Bérès. C’est donc dans des maisons prêtées clandestinement par les Syriens ou dans des écoles fermées qu’il intègre une équipe. « Devant l’urgence, les Syriens jouent la carte de la solidarité à fond. On n’a jamais été en panne de sang, les gens donnent », souligne-t-il. En deux semaines, son hôpital a dû déménager une fois sous peine d’être bombardé. En quatre heures de temps, il ne restait plus trace de leur passage.
« C’est un massacre de civils » dénonce Jacques Bérès. « J’ai surtout soigné des vieilles personnes, des femmes, des enfants ... Et quelques combattants de l’armée syrienne libre, qui sont une émanation des civils ». Les victimes sont souvent blessées à la tête et à la poitrine. « On sait que pour eux, c’est fichu. On soigne surtout les blessés aux membres et à l’abdomen », précise, réaliste, le médecin. Pendant les premiers jours, son équipe est même parvenue à évacuer des blessés graves vers le Liban. « Mais certains sont morts parce qu’on a tiré sur la voiture, d’autres n’ont pas supporté le trajet : il faudrait une trêve ou au moins un gros couloir humanitaire ».
89 personnes en 2 semaines.
« Pas la peine de faire la longue liste de ce qui manque sur place », tranche-t-il lorsqu’on aborde la question des moyens. L’équipe au sein de laquelle il travaillait est constituée d’une trentaine de personnes, dont 21 bénévoles syriens, un gastro-entérologue, et 3 chirurgiens, pas toujours présents. L’inquiétude porte surtout sur l’eau et l’électricité, indispensable aux appareils d’aspiration ou d’anesthésie. « On prévoit un générateur mais il faut du diesel, or les chars de Bachar Al-Assad le monopolisent ! » remarque le Dr Bérès. Il confie avoir vu des morts en salle d’attente, ainsi que 9 sur sa table d’opération. Ismaël Hachem se permet d’ajouter qu’il a opéré 89 personnes. Jacques Bérès ne veut pas de tableau d’honneur. « Si l’aspirateur ne marche pas, on ne peut pas arrêter l’hémorragie ! », explique-il. La salle d’opération n’était éclairée que de 4 ampoules basse consommation.
De retour en France, le médecin qui se considère comme « une petite main ouvrière » refuse de s’exprimer sur les problématiques d’ingérence. Il préfère rendre hommage aux organisations de médecins syriens en France et en Europe (voir encadré). Jacques Bérès espère surtout repartir.
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