Comme les adultes « super-contrôleurs » (elite controllers en anglais), est-il possible que certains enfants séropositifs pour le VIH n'évoluent pas vers le stade SIDA en l'absence de traitement antirétroviral ? Oui mais d'une façon différente des adultes, selon une étude britannique publiée dans « Science Translational Medicine ».
Les chercheurs dirigés par Maximilian Muenchhoff de l'université d'Oxford se sont penchés sur un phénomène rare décrit dans une cohorte sud africaine de 170 enfants séropositifs âgés de plus de 5 ans non progresseurs malgré une charge virale élevée.
Le phénomène des « super contrôleurs » (elite controllers en anglais), qui gardent une virémie indétectable, spontanément ou à l'arrêt des antirétroviraux, semble très rare chez les enfants. Compte tenu de la physiologie particulière chez l'enfant, le phénomène des non progresseurs pourrait-il être le pendant chez l'enfant des « super contrôleurs » chez l'adulte ? Après quelques cas décrits en 2007, l'étude britannique surprend par l'ampleur du phénomène en Afrique du Sud.
Chez l'adulte en France, 14 patients super contrôleurs ont été décrits dans la cohorte ANRS Visconti, chez l'enfant, un seul dans la cohorte pédiatrique. « En France, il existe 1 500 enfants et adolescents séropositifs, explique le Dr Pierre Frange, pédiatre à l'hôpital Necker (AP-HP). Dans la cohorte pédiatrique ANRS mise en place à la fin des années 1980, un seul cas a été identifié. C'est après le cas du bébé Mississippi il y a 2 ans que nous avons regardé de plus près s'il existait une situation similaire en France. La jeune fille, âgée de 19 ans aujourd'hui, est toujours en rémission après 12 ans d'arrêt des antirétroviraux. Elle avait été traitée de l'âge de 3 mois à 7 ans et avait gardé une virémie indétectable après avoir été perdue de vue pendant 1 an ».
Une cohorte pédiatrique exceptionnelle
La cohorte sud-africaine est exceptionnelle. « La mortalité de l'infection VIH est bien trop élevée chez les nourrissons pour que, dans les pays du Nord, on accepte de prendre le risque de ne pas traiter un enfant, poursuit le pédiatre. Il n'existe à ma connaissance aucun cas de ce type dans la cohorte pédiatrique ANRS. Certains enfants migrants infectés depuis la naissance et non traités arrivent en consultation sans déficit immunitaire important, mais ils sont systématiquement mis sous traitement ». Sans traitement, la progression vers le stade SIDA est en médiane de 1 an chez les enfants par rapport à 10 ans chez l'adulte.
Dans cette cohorte d'enfants ayant des taux normaux de CD4 et une charge virale élevée, les chercheurs ont mis en lumière deux caractéristiques essentielles dans la non-progression de l'infection : une faible activation immunitaire et une faible expression de CCR5.
De nombreuses questions se posent. Combien d'enfants sont-ils concernés ? La protection conferrée se poursuit-elle à l'âge adulte ? Le phénomène existe-t-il à l'âge adulte ? La cohorte ANRS CODEX prévoit en outre l'inclusion de sujets asymptomatiques à long terme (ALT), séropositifs depuis au moins 8 ans, ayant un taux de CD4 > 600/mm3 quelle que soit la charge virale en l'absence de traitement.
L'inflammation chronique mise en lumière
Pour Michaela Muller-Trutwin, responsable de la structure VIH, inflammation et persistance à l'institut Pasteur : « La faible activation immunitaire relance le rôle de l'inflammation chronique dans l'infection VIH. Chez les sujets traités ou les "super contrôleurs" en rémission, il persiste une inflammation résiduelle, qui ne revient pas à la normale ».
Le profil immunitaire décrit chez les enfants avait déjà été décrit chez le singe mangabe, naturellement résistant à l'infection par le SIV malgré une virémie élevée. « Parmi la quarantaine d'espèces de singes porteurs du virus SIV, trois sont infectés de manière chronique sans progresser, explique la chercheuse. C'est grâce à ce modèle de singe que l'on a compris que l'évolution vers le stade SIDA n'est pas un effet direct du virus, mais est due à l'inflammation chronique ».
Pour la chercheuse, c'est un élément important à prendre en considération pour faire évoluer le traitement de l'infection VIH. Il ne s'agit pour autant de changer d'approche de l'infection. « Il faut continuer à faire baisser la charge virale, estime Michaela Muller-Trutwin. Mais on a un peu laissé de côté la réaction inflammatoire chez les sujets en rémission, or avoir des réservoirs faibles ne suffit pas ». La chercheuse travaille actuellement avec Asier Saez-Cirion, de l'institut Pasteur, à caractériser la réaction inflammatoire dans la cohorte ANRS Visconti.
Lutter contre l'inflammation chronique se veut bénéfique à deux niveaux, à la fois pour protéger le système immunitaire et pour faire baisser les réservoirs viraux. Plusieurs équipes travaillent sur des thérapies spécifiques contre l'inflammation, par exemple les statines par l'équipe du Pr Olivier Lambotte de l'hôpital Kremlin-Bicêtre.
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