En 2019, 30,4 % des Français de 18 à 75 ans fumaient, dont 24 % quotidiennement : soit la prévalence la plus basse jamais atteinte en France, révèle Santé publique France (SPF) dans son « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » publié en amont de la Journée mondiale sans tabac, le 31 mai.
Les fruits d'une politique volontariste
Si l'on regarde les cinq dernières années, celles que couvre le Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) 2014-2019, le tabagisme est en baisse de 3,9 points (-11 %) et de 4,5 points (-16 %) pour le tabagisme quotidien. Soit des résultats meilleurs que la diminution de 10 % du tabagisme quotidien fixée comme objectif par le PNRT en 2014. Le vapotage quotidien, lui, reste stable entre 2018 et 2019, à hauteur de 4,4 %. La part de personnes déclarant n’avoir jamais fumé a augmenté de 33,7 % à 37,7 % sur la période.
Ces résultats sont à mettre au compte des actions de prévention et des mesures réglementaires mises en place ces dernières années, analysent les auteurs Anne Pasquereau et coll. Le PNRT s'est notamment traduit par la mise en place du paquet neutre, le remboursement des traitements de substitution nicotinique à hauteur de 150 euros par personne, ou encore les campagnes « Moi(s) sans tabac ».
Des inégalités sociales persistantes
Néanmoins, plusieurs ombres planent sur le tableau. Les inégalités sociales sont très marquées, avec un écart de 12 points de prévalence du tabagisme quotidien entre les plus bas revenus (29,8 % de fumeurs quotidiens) et les plus hauts (18,2 %), et un écart de 17 points entre personnes au chômage (42,7 %) et actifs occupés (25,4 %). En outre, la prévalence du tabagisme chez les hommes remonte entre 2018 et 2019 chez les 18-34 et les 55-64 ans. À l'échelle internationale, la France reste un pays enfumé : en 2018, la prévalence du tabagisme s’élevait à 15 % au Royaume-Uni, et 14 % aux États-Unis et en Australie.
Cibler les actions de prévention
Les actions de lutte contre le tabagisme doivent être amplifiées et renforcées, considère Santé publique France. Pour mieux les définir et cibler les populations les plus à risque, un deuxième article du « BEH » cerne le profil des fumeurs en France.
Ce sont plus fréquemment des hommes de moins de 55 ans, des personnes en situation de précarité socio-économique, avec une moins bonne santé mentale (anxiété, troubles du sommeil). Plus souvent consommateurs d’autres substances psychoactives, ils ont moins recours à un médecin généraliste et utilisent moins Internet comme source d’information sur des sujets de santé, par rapport aux non-fumeurs, mettent en évidence Chloé Marques et coll.
Si ces associations ne doivent pas être interprétées comme des liens de causalité, elles peuvent néanmoins permettre de mieux calibrer les prises en charge (en favorisant par exemple une prise en compte globale de toutes les consommations), ainsi que les actions de prévention, en cherchant des alternatives aux campagnes via Internet qui risquent de ne pas toucher les publics les plus à risque.
Une approche scientifique et non plus empirique
« Si la prévention obtient aujourd’hui de vrais succès en France, c’est avant tout le fait de son approche scientifique et non plus empirique comme cela a trop souvent été le cas, gaspillant temps et ressources », encourage dans l'éditorial le Pr Loïc Josseran, président de l'Alliance contre le tabac.
Le chercheur en santé publique alerte enfin sur les conséquences néfastes que pourraient avoir la crise du Covid-19 et ses conséquences économiques sur la lutte anti-tabac. « Je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais il est admis qu’en situation de crise économique et sociale la consommation de tabac augmente (...) L'approche préventive devra être encore plus innovante qu’elle a pu l’être ces dernières années et tous les acteurs, institutionnels ou associatifs, devront rester mobilisés pour lutter contre ce fléau qu’est le tabac », écrit-il.
Le tabagisme, à l'origine de 20 % des hospitalisations pour pathologies cardio-vasculaires
En 2015, plus de 250 000 séjours hospitaliers pour maladie cardio-vasculaire sont attribuables au tabagisme en France, soit 21 % de tous les séjours hospitaliers pour ces pathologies, calcule l'équipe de Christophe Bonaldi et coll. dans un troisième article du « BEH ». Les infarctus du myocarde, les maladies des artères, l’insuffisance cardiaque et les arythmies représentent plus de 90 % des séjours attribuables au tabagisme. Autre enseignement : l’impact du tabagisme est plus élevé chez les jeunes. Les hospitalisations liées au tabagisme représentent 41 % de celles pour maladie cardiov-asculaire chez les 35-49 ans, et 35 % chez les 50-64 ans (versus moins de 30 % pour les autres tranches d'âge).
Les chercheurs ont aussi estimé le nombre de séjours qui pourraient être évités en réduisant le tabagisme. Si le nombre de fumeurs actifs était de 10 % plus faible qu'en 2014, 6 000 séjours hospitaliers seraient évités (soit une baisse de 2,3 %) ; si seulement 20 % des Français fumaient, ce serait 26 000 séjours en moins chaque année (-10 %).
* Enquête téléphonique réalisée par IPSOS auprès d’un échantillon de 10 352 adultes, représentatifs des 18-85 ans résidant en France métropolitaine et parlant le français.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie