Après une baisse significative entre 2016 et 2019, la prévalence du tabagisme se stabilise en 2022, avec 31,8 % d'adultes de 18-75 ans qui déclarent fumer - 24,5 % quotidiennement ; soit des niveaux supérieurs à la proportion mondiale de fumeurs, autour de 20 % selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce tableau est marqué par de fortes inégalités sociales, met en lumière Santé publique France (SPF), à l'occasion de la journée mondiale sans tabac, ce 31 mai.
La réduction de ces inégalités devrait être au cœur du 3e plan de lutte contre le tabac 2023-2027, présenté en septembre. « Ses grandes lignes seront : 1. tâcher d'éviter l'entrée dans le tabagisme ; 2. faire en sorte que cela soit de plus en plus dissuasif pour ceux qui y sont entrés ; 3. tout faire pour aider les personnes à arrêter », a commenté le ministre de la Santé François Braun auprès du « Quotidien » ce 31 mai.
L'enquête de SPF a été menée par Ipsos auprès de 3 230 personnes, entre mars et juillet 2022, et publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH »). Parmi les fumeurs, les hommes sont surreprésentés (35 % d'entre eux se disent fumeurs versus 28 % des femmes). Par ailleurs, les fumeurs (et surtout les fumeuses) sont de moins en moins nombreux à tenter un arrêt en 2022 (25 versus 30 % en 2019), ou même à s'inscrire à l'opération Mois sans tabac.
Le poids du Covid
La stabilisation de ces prévalences depuis 2019, après une baisse entre 2016 et 2019, peut être liée à la crise du Covid 19, qui a pu jouer directement sur la consommation de tabac, notamment des plus défavorisés et des femmes, mais aussi indirectement, en pesant sur la santé mentale de la population (la prévalence des épisodes dépressifs caractérisés a augmenté de 3,5 points entre 2017 et 2021).
Autre motif avancé : une faible augmentation des prix du tabac en 2021 et 2022, malgré l'inflation générale. Un rattrapage a été mis en place avec une augmentation de 50 centimes en 2023, et 35 centimes en 2024. « La politique de prix pourrait être un enjeu pour le prochain plan de lutte contre le tabac », lit-on. « Dans la lignée des précédentes hausses actées notamment dans le cadre du PLFSS pour 2023, le prix du paquet pourrait continuer à augmenter », indique François Braun, en rappelant l’engagement du gouvernement à taxer « tous les produits du tabac de la même façon à compter de 2025, comme cela a été acté dans le PLFSS pour 2023, et nous le réaffirmerons dans le plan Tabac à venir ».
Des inégalités sociales criantes
Autre constat, alarmant : les inégalités sociales restent très marquées, voire augmentent, avec une différence de 14 points entre adultes diplômés et ceux qui n'ont pas le bac (31 versus 17 %), de 12 points entre les plus bas et les plus hauts revenus (34 versus 22 %) et de 16 points entre actifs et chômeurs (26 versus 42 %).
« Les politiques de lutte contre le tabac semblent aggraver ces inégalités sociales de santé, car elles ont un impact plus important parmi les classes sociales les plus favorisées », observe la Dr Anne-Laurence Le Faou, présidente de la Société francophone de tabacologie, dans l'éditorial du « BEH ». L'addictologue insiste sur l'importance de mener des actions ciblées dans ces groupes (campagnes d'information, prise en charge de l'arrêt en groupe, suivi particulier) et par exemple de proposer l'aide au sevrage tabagique systématiquement dans les secteurs les plus impactés (hôtellerie-restauration, bâtiment-travaux publics, établissements médico-sociaux et sanitaires, etc.).
Ceci d'autant qu'une autre étude publiée dans le « BEH » met en évidence une plus grande difficulté des personnes défavorisées ou souffrant de troubles mentaux à se projeter dans l'arrêt du tabac et à y parvenir. Est notamment questionnée l'attitude parfois « permissive » des professionnels de santé à leur égard, se traduisant par l'absence d'un repérage systématique du tabagisme, ou des a priori bloquant toute proposition d'aide.
Vers une génération sans tabac ?
La Dr Le Faou alerte plus largement sur l'importance de mettre réellement en œuvre les mesures visant à faire baisser la prévalence tabagique. L'interdiction de vente du tabac aux mineurs ne serait ainsi respectée que dans 35 % des cas.
En revanche, l'augmentation du prix du tabac, elle, a montré son efficacité pour réduire l'initiation tabagique qui marque le pas chez les plus jeunes. Pour la première fois depuis neuf ans, les jeunes n'ayant jamais expérimenté le tabac sont majoritaires. Selon le dispositif Escapad lié à la journée d'appel et de préparation à la défense, en 2022, 46,5 % des adolescents de 17 ans ont déjà touché une cigarette, une proportion en baisse de 12,5 points depuis 2017. Ils sont 15,6 % à fumer quotidiennement du tabac, surtout des garçons (versus 25 % en 2017), et 33 % à avoir déjà expérimenté la chicha, contre 65 % en 2014. Mais encore une fois, le tableau est à nuancer selon le gradient social : le tabagisme est plus fréquent chez les apprentis, les jeunes sortis du système scolaires et ceux issus de milieux les moins favorisés, et l'est moins chez les jeunes des lycées généraux.
Quant au vapotage, il est en augmentation constante depuis 2016. En 2022, pour la première fois, son expérimentation est supérieure à celle de la cigarette chez les adolescents de 17 ans. Plus de 42 % des 18-75 l'ont déjà testée, contre près de 39 % en 2021. Escapad ne met pas en évidence de lien entre cigarette électronique et tabac. Un constat à confirmer. Les auteurs restent prudents et optimistes, estimant que les niveaux tabagiques d'aujourd'hui « crédibilisent les perspectives d'une génération sans tabac d'ici à 2032 ».
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