Les équipes de Santé Publique France ont estimé les conséquences du tabagisme chez les femmes de plus de 35 ans en France depuis les années 2000 (1). Après un léger recul, la prévalence du tabagisme était remontée chez les femmes pour atteindre les 30 % dans les années 2010 avant de rester stable jusqu’en 2017, année où un recul a été enregistré dans les deux sexes.
Pour ausculter cet impact sanitaire les auteurs se sont focalisés sur trois pathologies liées au tabac : le cancer du poumon, la BPCO et les infarctus*.
D’après leurs estimations, la mortalité féminine imputable au tabac au sein de ces trois pathologies est passée de 3 % à 7 % de l’ensemble des décès entre 2000 et 2014. La mortalité liée au tabac a donc plus que doublé chez les femmes de plus de 35 ans en quinze ans. Une progression d’autant plus inquiétante qu’elle devrait persister dans les années à venir.
Tabagisme féminin : prévalence croissante chez les 45–64 ans
Alors que le tabagisme masculin a décru depuis les années soixante-dix, il a augmenté chez les femmes pour atteindre les 30 % à l’aube des années 2000. Son évolution a ensuite varié suivant les tranches d’âge. Poussé par l’arrivée des femmes nées dans les années 50-60, le tabagisme des femmes de 45-65 ans a augmenté ces 15 dernières années passant de 21 à 31 % chez les 45-54 ans et de 11 à 21 % chez les 55-64 ans quand dans le même temps, heureusement, il reculait sensiblement chez les 35-45 ans passant de 40 à 32 %. Résultat, les pathologies liées à une exposition prolongée ont largement augmenté.
Poussée nette du cancer pulmonaire et de la BPCO
En 2015, parmi les patients hospitalisés pour exacerbation de BPCO plus d’un tiers (37 %) étaient des femmes. Pour le cancer du poumon, on est à plus d’un quart de femmes (28 %). Quant aux infarctus, on est à un tiers (31 %).
Dans le cancer pulmonaire, la comparaison entre 2002 et 2012 met en évidence une augmentation de 72 % de son incidence standardisée chez les femmes. Dans le même temps, son incidence est restée stable chez les hommes. L’augmentation ne touche que les femmes plus de 45 ans. La poussée la plus importante concerne les 55-64 ans ; avec une croissance de plus de 8 % par an.
Les hospitalisations pour BPCO ont augmenté de 100 %, c’est-à-dire doublé chez les femmes entre 2002 et 2015. Par opposition sur la même durée elles n’ont augmenté que de 30 % chez les hommes. Cette augmentation touche toutes les tranches d’âge. Elle est à nouveau maximale chez les 55-64 ans avec un taux moyen de progression de 9 % par an.
A contrario du cancer pulmonaire et de la BPCO, l’incidence des infarctus féminins après 35 ans est globalement restée stable. Une poussée est néanmoins retrouvée chez les moins de 65 ans. En effet entre 2002 et 2015 les hospitalisations pour infarctus ont doublé chez les femmes de 35-65 ans quand elles ne progressaient que de 16 % chez les hommes du même âge. La progression la plus importante touche les 45-54 ans chez lesquelles l’incidence a augmenté en moyenne de 5 % par an. En revanche, passés 65 ans, l’incidence des infarctus a décru dans les deux sexes.
Doublement de la mortalité liée au tabac, passée de 3 à 7 % des décès
En 2014, les femmes représentaient 27 % de l’ensemble des décès par cancer pulmonaire, 36 % de ceux liés à une BPCO et 41 % dus à un infarctus.
En termes de progression, la mortalité par cancer pulmonaire est impressionnante. Elle a augmenté chez les femmes de plus de 70 % entre 2000 et 2014 alors que chez les hommes elle reculait de 15 %. Cette progression touche toutes les tranches d’âge passés 45 ans. Elle est maximale chez les 55–64 ans.
La mortalité par BPCO a un peu progressé. L’augmentation est de 3 % mais le contraste est important avec les hommes chez lesquels cette mortalité a reculé de 21 %.
À nouveau, nulle progression n’est retrouvée pour l’infarctus. La mortalité par infarctus a reculé chez les femmes de la même manière que chez les hommes. Seul bémol chez les plus jeunes, les 35-54 ans, le recul des décès a été deux fois moins important chez les femmes que chez les hommes.
Résultat, au total, les femmes sont toujours moins nombreuses à mourir du tabac en valeur absolue que les hommes (19 000 femmes vs 54 000 hommes en 2014), mais, tandis que ces décès régressaient en moyenne de 0,8 % par an chez les hommes, ils progressaient de plus de 6 % par an chez les femmes. Et le phénomène ne semblant pas près de s’inverser, les auteurs tirent la sonnette d’alarme.
(1) V Oli et al. Changes in tobacco–related morbidity and mortality in French women: worrying trends. Eur J Public Health. 2019; doi: 10.1093/eurpub/ckz171
* * La prévalence du tabagisme provient du Baromètre Santé. La prévalence des infarctus et de la BPCO est basée sur les hospitalisations pour infarctus ou exacerbation de BPCO au sein du PMSI chez les plus de 35 ans. L’incidence du cancer pulmonaire est issue de registres Francim. Les décès sont extraits de registre national Inserm–CépiDc. Enfin la part de ces décès attribuable au tabac a été estimée avec une méthodologie tenant compte notamment du risque relatif de décès des fumeurs et des non-fumeurs dans la population pour ces trois pathologies.
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