« LES ANTIVIRAUX ne bénéficiaient pas d’un a priori favorable du corps médical avant la pandémie et l’opinion a été peu modifiée par H1N1 2009. » C’est l’un des constats que fait le Haut Conseil de la santé publique dans l’avis que vient de rendre public sa commission spécialisée « Maladies transmissibles ». Saisi il y a un an par la direction générale de la santé (DGS), le HCSP devait réexaminer les stratégies d’utilisation des antiviraux en contexte de pandémie grippale et proposer une recommandation argumentée en vue du renouvellement éventuel des stocks.
Pour rendre cet avis, adopté à l’unanimité par 11 des 19 membres présents (0 conflit d’intérêt), la commission a analysé un certain nombre de données, dont certaines sur l’acceptation des antiviraux par les médecins et par le public. « À l’issue d’une enquête réalisée auprès d’un échantillon aléatoire, il apparaît qu’un tiers des médecins ne prescrivent pas d’antiviraux et n’en prescriront pas », note la commisson. Les réticences des médecins, « principalement informés par la presse professionnelle », se focalisent sur le rapport bénéfice-risque, « jugé aléatoire », poursuit-elle.
L’acceptabilité du public est, quant à elle, « inconnue en France », précise l’avis. Des études sont donc nécessaires. Le HCSP relève toutefois qu’aux États-Unis, « l’acceptabilité des antiviraux a été très supérieure à celle du vaccin pandémique » et que l’on « peut penser qu’il en est de même en France ».
Traitement curatif et préemptif.
Pour le HCSP, « il est nécessaire d’accompagner par une communication appropriée sur les stratégies d’utilisation d’antiviraux en situation pandémique ». En effet, les données sur les effets des inhibiteurs de la neuraminidase, lesquels tiennent compte des connaissances acquises pendant la pandémie A(H1N1) de 2009, confirment l’efficacité du traitement curatif lorsqu’il est donné dans les 48 heures suivant l’apparition des premiers symptômes. « De nombreux arguments indirects, tous consistants, sont en faveur de l’efficacité d’un traitement curatif précoce (›48 heures) pour la prévention des formes graves et la réduction des complications et des décès », souligne le HCSP. Cette efficacité est retrouvée chez la femme enceinte et chez le sujet immunodéprimé. De même, un traitement systématique précoce est justifié d’un point de vue du bénéfice de santé publique « chez des sujets sans facteur de risque, du fait de la survenue possible de formes graves. »
Des arguments indirects suggèrent une augmentation des doses pour le traitement des formes graves ou chez les sujets immunodéprimés et/ou en cas de réplication virale prolongée. L’efficacité des antiviraux chez le sujet âgé de plus de 65 ans et chez le nourrisson âgé de moins de 1 an doit être documentée.
L’efficacité du traitement préventif « est confirmée dans la grippe H1N1 2009 et dans la grippe saisonnière ». Toutefois, ce traitement prophylactique (demi-dose du traitement curatif pendant 10 jours) préconisé dans certaines circonstances (épidémie dans une institution de personnes âgées) expose à un risque, « non négligeable même s’il est faible », de sélection « de variants résistants ». C’est pourquoi, le principe de traitement « préemptif » qui consiste à augmenter les doses à hauteur du traitement curatif est préférable à celui de traitement préventif.
En ce qui concerne la tolérance, les suivis nationaux de pharmacovigilance n’ont pas identifié de signal préoccupant en relation avec l’utilisation importante des antiviraux pendant la période de pandémie grippale en 2009-2010.
Deux scénarii.
Le HCSP, en conséquence, maintient les grands principes des recommandations précédentes élaborées par le Comité de lutte contre la grippe : traitement curatif des premiers cas et traitement préemptif des sujets contacts lors de la phase initiale d’endiguement correspondant à l’apparition des premiers cas sur le territoire ; traitement curatif et traitement des sujets contacts à risque de forme graves lors de la phase de circulation active.
Ces recommandations pourront être revues au moment de la survenue d’un nouveau risque pandémique. Le HCSP envisage alors deux scénarios. Le premier s’appuie sur l’exemple de la pandémie A(H1N1)2009 : taux d’attaque d’environ 5 % et létalité augmentée chez des sujets sans facteurs de risque. Le second, à l’image de la pandémie A(H1N1) de 1918, repose sur un taux d’attaque clinique de 20 à 30 % et une létalité importante.
Dans le premier, le Haut Conseil recommande que la prescription des antiviraux « soit faite par les médecins généralistes et la distribution par les canaux habituels ». Il préconise aussi une utilisation plus large du traitement préemptif chez les sujets porteurs de facteurs de risque, « dans la mesure où l’utilisation de ces traitements ne compromet pas la doctrine de traitement curatif pour tous les malades par épuisement du stock ». Dans le deuxième scénario, une organisation spécifique devra être mise en place. Le traitement préemptif est limité à la phase d’apparition des premiers cas sur le territoire, « afin de préserver le stock » d’antiviraux.
Quant au stock d’antiviraux, son maintien paraît coût-efficace. Le HCSP propose deux options : maintien du stock pour 20-30 % de la population avec une extension pour le traitement par voie intraveineuse d’un pourcentage de la population ; maintien d’un stock pour une proportion de sujets à traiter plus faible (10 %) et constitution d’un stock per-épidémique adapté aux besoins plus une extension pour le traitement par voie intraveineuse. Le choix entre ces deux modalités nécessite une analyse économique « qui pourrait être conduite au niveau européen », suggère le HCSP. Toutefois, quelle que soit l’option retenue, le HCSP insiste sur la nécessité d’une communication adaptée vers les professionnels de santé et le public pour expliquer les modalités de constitution et d’utilisation du stock.
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