APRÈS une absence de cas pendant près d’une dizaine d’années, plusieurs cas d’importation de diphtérie à C. diphteriae signalés à l’Institut de veille sanitaire et surtout l’émergence de cas autochtones de diphtérie liée à C. ulcerans ont conduit les autorités à réviser les recommandations de prise en charge des cas et les mesures de contrôle à mettre en place. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a publié, à cet effet, un avis en mars 2011 qui intègre désormais sous le terme « diphtérie » l’ensemble des infections dues aux trois espèces dites du complexe diphteriae : C. diphteriae, C. ulcerans et C. pseudotuberculosis, qu’elles soient porteuses ou pas du gène codant la toxine diphtérique (tox) et donc productrices ou non de cette toxine.
Une bactérie tox +.
« Nous nous sommes bien sûr appuyés sur ces recommandations », souligne le Dr Michèle Goret, médecin de santé publique à l’agence régionale de santé (ARS) de Picardie. Le patient était en effet hospitalisé dans l’Oise « depuis le 9 novembre pour des ulcères de jambes chroniques apparus six mois plus tôt, en juin 2012 », précise le Dr Goret. « Des prélèvements effectués au niveau des plaies ont révélé une infection à C. ulcerans porteuses du gène tox (tox +) codant la toxine », indique-t-elle.
Avant la confirmation bactériologique et la recherche du gène de la toxine par le Centre national de référence*, une antibiothérapie adaptée doit être mise rapidement en route. Dans le cas de l’Oise, l’atteinte cutanée était isolée. Le Dr Goret confirme que « le patient réagit bien au traitement. Aucun élément de gravité n’a été observé ». Outre l’atteinte ORL, la gravité de l’infection par une corynébactérie tox + productrice de toxine est en effet liée à la diffusion de la toxine qui peut se fixer notamment au niveau du myocarde ou du système nerveux périphérique.
Prélèvements de gorge.
Une fois le signalement effectué à l’ARS, des mesures de contrôle sont mises en œuvre. « Dans une situation comme celle-là, même si aucun cas de transmission humaine de C. ulcerans n’a été décrit dans la littérature contrairement à C. diphteriae, nous recherchons les sujets contacts – personnels soignants et personnes proches au domicile du patient. Une surveillance clinique et des prélèvements de gorge sont réalisés. Les résultats étant tous négatifs, aucune antibiothérapie prophylactique n’a été instaurée », poursuit le médecin de l’ARS. La conduite en cas d’identification de C. ulcerans consiste à ne prescrire une antibioprophylaxie que si le prélèvement réalisé chez un surjet contact est positif.
Une recherche de contacts avec les animaux est également nécessaire. « L’infection à C. ulcerans est une zoonose transmise le plus souvent par un animal domestique. C’est une bactérie commensale chez les chats et chiens mais qui est aussi présente chez d’autres animaux comme le cheval, la vache, les chèvres… », souligne le Dr Goret. « Nous avons identifié deux chiens qui ont été en contact avec le patient. Ils ont été adressés chez le vétérinaire qui fera des prélèvements pour vérifier s’ils sont porteurs de la bactérie. Si un des chiens est positif, nous préconisons une antibiothérapie », ajoute-t-elle.
Depuis les années 2000, 18 cas autochtones de diphtéries à C. ulcerans tox + ont été signalés en France (environ 2 par an). Le dernier cas autochtone lié à C. diphteriae date de 1989.
La vaccination contre la diphtérie est obligatoire chez l’enfant et chez les soignants. La couverture vaccinale en France est élevée (98 % pour la primovaccination, 3 doses chez l’enfant ; 90 % chez les professionnels de santé). Toutefois, une étude de séroprévalence menée en 1998 sur près de 2 500 prélèvements a montré que 30 % des patients âgés de 50 ans et plus ont un titre d’anticorps non détectable ou inférieur au seuil considéré comme protecteur.
*Crée en 1998 en réponse aux menaces de contagion venant des pays de l’Est de l’Europe où sévissait une épidémie importante.
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