Dans un rapport sur la vaccination contre le Covid, l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) pointe le bon fonctionnement du système de surveillance des médicaments français, mais souligne aussi un manque de communication institutionnelle sur les effets indésirables, alors que l'arrivée rapide de nouveaux vaccins a suscité des inquiétudes légitimes.
« Une communication transparente et complète sur l’existence d’effets indésirables, une action vigoureuse pour encourager les professionnels de santé à déclarer des évènements indésirables (...) sont nécessaires pour garantir les conditions de la confiance des citoyens dans la capacité des autorités sanitaires à assurer leur sécurité », est-il écrit.
Porté par les sénatrices Sonia de La Provôté (Union centriste) et Florence Lassarade (Les Républicains) et le député Gérard Leseul (socialiste), ce rapport adopté début juin répond à une saisine de la commission des Affaires sociales du Sénat datant de février, en réaction à une pétition demandant la création d'une commission d'enquête sur les effets secondaires des vaccins contre le Covid déposée au Sénat. Les trois rapporteurs ont mené 23 auditions entre le 28 mars et le 30 mai et une audition publique le 24 mai, dans un format contradictoire.
Être à l'écoute d'une population en souffrance
« Nous avons écouté des représentants des associations d'usagers et des institutions ainsi que des scientifiques référents dans leur domaine, en cherchant à être détachés des considérations politiciennes, raconte la Dr de La Provôté, médecin du travail. Il nous a été reproché d'auditionner des personnes qualifiées d'antivax, mais c'est dans notre logique d'écouter toutes les parties afin de formaliser une opinion. » Les rapporteurs ont en effet eu à cœur d’être attentifs à tous. « Derrière les plaintes, il y a aussi des gens de bonne foi avec des symptômes réels. Il est important de les entendre. Le rôle de l'Opecst n'est pas de mettre chacun dans un clan de façon caricaturale », poursuit la sénatrice.
L'un des objectifs a été d'étudier la réactivité du système de pharmacovigilance depuis le début de la campagne vaccinale. Celui-ci s'appuie sur les déclarations des événements de la part des professionnels de santé et de la population. Toutefois, « un certain nombre de professionnels et d'usagers nous ont rapporté qu'il n'était pas si simple de les déclarer sur le portail de l'Agence nationale du médicament (ANSM). Or, c'est important que cette démarche soit facilitée », souligne la Dr de La Provôté.
L'Office salue l'efficacité de ce dispositif quasi unique en Europe, qui comporte aussi un volet de pharmaco-épidémiologie visant à mettre en évidence à l'échelle populationnelle l'émergence d'un potentiel symptôme après vaccination. Néanmoins, même si la pharmacovigilance a rempli son rôle, « il aurait fallu trois fois plus d'effectifs pour assurer les remontées des différents signalements, y compris des petits signaux », estime la Dr Lassarade, par ailleurs pédiatre et qui s'inquiète de la pérennité du dispositif et du recrutement de pharmacologues à temps plein. Pour rappel, ce sont les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) qui examinent ces déclarations et font remonter les signaux à l'Agence.
Les deux sénatrices regrettent notamment que les plaintes concernant les troubles menstruels n'aient pas été davantage prises au sérieux par les autorités. « Les effets gynécologiques ont concerné une très grande partie de la population, avec une sous-déclaration évidente, note la Dr de La Provôté. Et si les problèmes se sont réglés spontanément dans une grande majorité des cas, il y a quand même eu quelques événements plus graves, hémorragiques notamment. » Heureusement, les alertes sur les thromboses, les myocardites et les péricardites ont été mieux prises en compte.
Un manque de transparence dans la communication
Les rapporteurs ont aussi mis en évidence une campagne de communication très proactive en faveur de la vaccination. Au détriment d'une totale transparence. « La communication des pouvoirs publics n'a pas été aussi proactive en matière de déclaration d'effets secondaires, constate la Dr de La Provôté. Pour accéder aux informations, il faut aller sur le portail de l'ANSM, mais ce n'est pas conçu pour le grand public. Or, ces informations sont nécessaires pour que chacun se fasse son opinion. » Pour la sénatrice, l'équilibre de la communication est pourtant gage de confiance.
De plus, le discours officiel a pu être perçu comme « déceptif », alors que l'objectif de l'immunité collective avec un retour à la normale, un temps brandi, n'a pas porté ses fruits, le virus étant devenu plus contagieux. La Dr de La Provôté relève ainsi des imprudences dans le discours politique.
Le rapport de l'Opecst fustige également les « DGS-Urgent ». « L’information ayant trait aux effets indésirables, pourtant disponible sur le site internet de l’ANSM, aurait dû être fournie de manière active aux professionnels de santé. C’est la vocation des "DGS-Urgent", mais ceux-ci n’apportent pas la clarté requise », lit-on. La Dr de La Provôté regrette « un process d'écriture hyper technocratique ». Et la Dr Lassarade constate que « les médecins étaient plus souvent informés par les grandes chaînes d'information que par l'autorité qui aurait dû le faire ».
Remettre le médecin dans son rôle
Pour les deux sénatrices, il est pourtant essentiel que les médecins aient accès à une information claire et contradictoire afin qu'ils soient eux-mêmes en position d'informer sereinement leurs patients. « Pour autant, ils étaient un certain nombre à être démunis vis-à-vis des effets secondaires, souligne la Dr de La Provôté. Pour les femmes enceintes par exemple, il y a eu des flous et des ambiguïtés qu'il n'y aurait pas dû avoir. » Concernant la vaccination des enfants, là aussi, le message a pu manquer de clarté et de conviction.
« Il faut remettre le médecin, généraliste ou spécialiste, dans son vrai rôle, c'est-à-dire celui de l'indication. Maintenant que l'on tend vers une revaccination au moins une fois par automne, les indications vont devoir être affinées en fonction de l'âge et des pathologies existantes, estime la Dr Lassarade. Si l'on rend cette liberté au médecin, cela contribuera à une meilleure diffusion de la vaccination en général. »
Et si « la communication politique a son rôle à jouer pour donner les orientations de stratégie sanitaire, c'est bien dans le colloque singulier avec le médecin que les choses se jouent sur le plan individuel, appuie la Dr de La Provôté. Toute politique sanitaire doit garder sa large part d'humanité et prendre en considération l'individu dans ce qu'il est. »
Quant au passe vaccinal, la Dr Lassarade considère que son arrivée trop tardive a été contre-productive. « Le passe vaccinal a exacerbé les oppositions et a même renforcé une part de la colère », déplore la Dr de La Provôté.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie