EN FRANCE jusqu’à l’été, l’économiste de la santé new yorkais Victor Rodwin, fin connaisseur du système de santé Outre-Atlantique, est de tous les débats parisiens organisés sur la réforme Obama.
Mercredi, il était l’invité d’une rencontre coorganisée par le cabinet de conseil Nile, et la revue « Espace social européen ». Difficile pour lui de résumer les 2 000 pages du projet de loi. D’ailleurs, Victor Rodwin le reconnaît, il ne les a pas lues. Plutôt que de jouer les devins sur l’issue de la réforme – « Personne ne sait exactement ce qui va se passer » –, Victor Rodwin a rappelé combien les systèmes de santé américain et français sont dissemblables. Aux États-Unis, tous les médecins, ou presque, sont des spécialistes. En raison d’une organisation des soins primaires lacunaire, les hospitalisations évitables explosent. Une étude chiffre le gaspillage à 700 milliards de dollars par an. Autre différence, les sources de financement : les dépenses de santé publiques sont de 43 % aux États-Unis, contre 79 % en France.
« En Europe, le payeur, concentré, a un pouvoir plus fort, expose Victor Rodwin . Aux États-Unis, il y a 1 200 payeurs. Obama a dit qu’il ne toucherait pas à cela. On maintient donc en place le fait que 55 % des Américains sont assurés par leur employeur ». L’équipe Obama n’a pas fait le choix d’une Sécu à la française. Trop impopulaire. Il est en revanche question d’élargir le programme Medicaid à 15 millions de personnes supplémentaires. « Medicaid, c’est notre assurance-maladie pour tous, reprend Victor Rodwin . On y a droit, à condition de s’appauvrir ! [Medicaid est le régime public réservé aux plus pauvres, NDLR]. C’est un bon programme, sans ticket modérateur, mais les médecins sont très mal payés. À Paris, les médecins n’aiment pas trop remplir leur salle d’attente avec des gens à la CMU. C’est pareil aux États-Unis. »
Des grimaces passent sur le visage de certains médecins français présents dans l’assistance. Le Dr Christian Espagno, vice-président de la CMSF (Confédération des syndicats médicaux français), est intervenu pour connaître les liens entre le président Obama et les médecins : « Quand Obama a présenté sa réforme, il était entouré de médecins. Cette image nous a frappés. En France, on a le sentiment d’être très peu écouté ». Le neurochirurgien espérait sans doute une autre réponse. Car Victor Rodwin a évoqué un lobby en perte de vitesse : « Actuellement, le pouvoir médical est moins fort qu’avant. En 1965, c’était une force dominante. Les médecins étaient opposés à Medicaid, et si la réforme a été adoptée, c’est grâce à un compromis. Aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique et les assureurs sont plus forts. L’AMA (American medical association) ne représente plus que 20 % ou 25 % des médecins, ce n’est pas vraiment un partenaire comme un syndicat en France. L’AMA dit qu’elle soutient la réforme, mais elle ne s’intéresse qu’à une seule chose : le revenu des médecins. Elle veut savoir comment évolueront les tarifs [dans le cadre des programmes publics, NDLR] . Le Congrès a compris que s’il veut contrôler ces évolutions tarifaires, les médecins seront contre la réforme. C’est pourquoi le sujet n’a pas été abordé jusqu’à présent. »
Le plan Obama, sur 1 500 pages, liste des expérimentations à lancer tous azimuts : nouveaux modes de rémunération des médecins (paiement à la performance, forfaits), dossier électronique, réduction des fraudes, « disease management »... « Il y a là beaucoup d’idées pertinentes, dont la France peut sans doute tirer une leçon si le projet passe », a conclu Victor Rodwin.
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