« CETTE situation est inadmissible ». Françoise Barré-Sinoussi, le rappelle : « L’accès à large échelle des traitements antirétroviraux dans les pays les plus développés a permis d’éliminer la transmission du VIH des mamans à leurs nouveau-nés. Ce n’est malheureusement pas le cas dans le reste du monde, où 370 000 enfants sont encore infectés. » Les pays concernés sont essentiellement les 24 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, essentiellement francophones, qui concentrent à eux seuls un quart de toutes les personnes vivant avec le VIH dans le monde. « L’objectif des chercheurs dans le domaine biomédical est de développer des outils qui, une fois validés et mis en place à large échelle, permettront d’améliorer la santé de tous et de toutes partout dans le monde », poursuit le Pr Barré-Sinoussi. Dans le cas de la transmission mère-enfant, ces outils existent et ont fait la preuve de leur efficacité dans les pays développés mais aussi en Afrique du sud ou au Botswana où la couverture en antirétroviraux en prévention de la transmission mère-enfant atteint les 80 %. « Constater que ces outils (...) ne sont pas concrètement appliqués sur le terrain, est donc pour nous une source de très grande frustration voire d’indignation », souligne encore le prix Nobel.
Une conférence francophone.
La Conférence qui s’ouvre cet après-midi est un appel à la responsabilisation et à la mobilisation. Organisée à l’Institut Pasteur (Paris), à l’initiative de l’UNICEF et en partenariat avec des acteurs clés de la lutte contre le VIH/sida et de la coopération internationale*, elle vise particulièrement les pays d’Afrique francophone et se déroulera en français, « une opportunité peu courante dans ce type de rencontre », précise le Pr Stéphane Blanche, président du comité de pilotage. Quatre séances plénières et quatre ateliers thématiques viseront à établir un état des lieux de la situation en Afrique de l’Ouest et du Centre et à faire un point sur les expériences qui ont donné des résultats encourageants en Afrique de l’Est et en Afrique australe.
L’Afrique du sud « revient de loin », notent les organisateurs. Pays le plus gravement atteint par l’épidémie, il a réussi à stabiliser la prévalence chez les adultes, certes à un niveau élevé (17,8 %), mais avec un accès aux services de santé amélioré. Ainsi, 95 % des femmes enceintes ont pu être dépistées pour le VIH en 2009 grâce à la disponibilité des services de dépistage dans les centres de consultations prénatales ; 88 % des femmes enceintes vivant avec le VIH et 56 % des nourrissons exposés ont pu bénéficier d’un traitement. En comparaison, le Cameroun, pays à épidémie généralisée à forte prévalence (5,3 %), où un engagement politique accru a permis le suivi prénatal et le dépistage de 82 et 79 % des femmes enceintes, seulement un quart des femmes et des enfants qui en ont besoin bénéficient d’une couverture ARV pour la PTME.
Des avancées ont pu être constatées dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, comme au Bénin, au Ghana, en Sierra Leone et même en Côte d’Ivoire, mais ils sont encore loin d’un accès universel. Les pays qui ont bénéficié d’une stabilité économique, politique et sociale ont mieux réussi que ceux qui ont dû faire face à des crises et des conflits comme en République démocratique du Congo (13 % des femmes enceintes dépistées dont 22 % ont reçu des ARV). Beaucoup reste donc à faire.
Un soutien actif des pouvoirs politiques et des communautés des pays concernés, tout comme le respect des engagements des pays donateurs et des bailleurs de fonds seront nécessaires pour relever le défi de la transmission mère-enfant. Environ 5 milliards de dollars d’investissement seront nécessaires entre 2011 et 2015 pour éliminer les nouvelles infections chez les jeunes enfants dans 22 des pays les plus sévèrement touchés.
La rencontre des 16 et 17 novembre sera l’occasion d’un partage d’expériences et d’expertises pour permettre à chaque participant de repartir « mieux armé pour répondre au défi de l’élimination de la transmission mère-enfant et, surtout, convaincu qu’elle est possible à l’horizon de 2015 ».
* Ministère des Affaires Étrangères et européennes, Agence française de développement, Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites, Esther, UNITAID et ONUSIDA.
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