Je me permets de répondre à l’article du « Quotidien du Médecin » du 21 novembre 2019 concernant « Une évaluation nécessaire : la médecine traditionnelle chinoise priée de montrer patte blanche ». Mon exercice se situe surtout autour de la pratique de l’acupuncture sans l’utilisation de la pharmacopée traditionnelle.
Depuis plus de 30 années, des dizaines de publications émaillent la littérature médicale souvent dans des revues représentatives. Le but étant de prouver l’efficacité réelle de l’acupuncture qui doit être soumise aux mêmes critères d’exigences de recherche clinique que la médecine occidentale. Tout cela relève de l’évidence.
Les fédérations européennes des Académies de médecine demandent de s’assurer « que la médecine traditionnelle chinoise soit traitée selon les mêmes standards de preuve que la médecine traditionnelle ». Il faudrait d’abord différencier la pratique de l’acupuncture de celle des remèdes traditionnels, que la pharmacopée traite selon des critères relevant d’un diagnostic en lien avec les théories médicales de la Chine antique.
Concernant la pose des aiguilles, les résultats de certaines études montrent un intérêt évident ! Cependant « savoir comment ça marche », et « s'il s'agit ou non d’un placebo », le problème est loin d’être éclairci ! Pourquoi ?
L’acupuncture est une médecine qui relève de la notion d’énergie qui se raisonne selon la dualité Yin/yang. Il faut donc comprendre ce qu’est cette énergie et tenter de la quantifier.
De plus, chaque patient est unique et chaque traitement l'est également. Il est, et il sera toujours impossible d’effectuer des études de recherche clinique avec toujours les mêmes points pour les mêmes pathologies, sans risquer d’entraîner des résultats contradictoires. L’adaptation à cet impératif thérapeutique est indispensable.
Paru il y a deux ans, mon livre « Soigner avec l’acupuncture » (Éditions Dunod, 2017) relate (chapitre 5) une recherche clinique effectuée au sein du département de pharmacologie de l’Hôpital européen Georges Pompidou (unité Inserm U970), selon les normes occidentales de rigueur scientifique (essais contrôlés randomisés), et qui cependant, a pu s’adapter à l’esprit thérapeutique de la tradition médicale en acupuncture.
Ce travail a permis de prouver que l’artère radiale, critère diagnostic indispensable en acupuncture, se dilatait lors de séances d’acupuncture efficaces chez le sujet migraineux. Cette dilatation se maintient pendant un mois après une séance efficace. Les ponctures pratiquées chez les patients ont toujours été différentes car adaptées à chaque malade.
Ces notions concernant l’acupuncture sont fondamentales, car inscrites dans la pensée traditionnelle chinoise qui ne catégorise pas comme notre Occident, mais qui saisit les choses de manière particulière et spécifique à chaque problématique.
Un fossé sépare donc le monde scientifique occidental et la pensée traditionnelle chinoise. Il est indispensable, compte tenu des résultats obtenus dans la pratique quotidienne en acupuncture, d'unir sur le plan de la recherche scientifique ces deux modes de pensée. C’est ce que nous avons réussi à effectuer dans cette belle aventure de recherche à l’Hôpital européen Georges Pompidou, où la rigueur scientifique a toujours été respectée.
Il s’agit là, je pense, d’une manière d’évaluer véritablement l’acupuncture, qui mérite d’être réellement reconnu dans l’intérêt des malades.
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