200 milliards d'euros de chiffre d'affaires : le juteux trafic des faux médicaments

Publié le 16/01/2018
faux medicaments

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Crédit photo : S. Toubon

Vaccins, antirétroviraux, antipaludéens contrefaits : l'Afrique est devenue le terrain de jeu préféré des trafiquants de faux médicaments, un business lucratif qui fait des centaines de milliers de victimes. Le chiffre d’affaires généré par la contrefaçon est estimé à au moins 10 ou 15 % du marché pharmaceutique mondial, soit 100 à 150 milliards de dollars, voire 200 milliards, selon une étude du Forum économique mondial. Un chiffre qui a quasiment triplé en cinq ans.

« Pour vendre des faux médicaments, il faut avoir une clientèle, or les malades pauvres sont plus nombreux sur le continent africain que partout ailleurs dans le monde », explique le Pr Marc Gentilini, spécialiste français des maladies infectieuses et tropicales, ancien président de la Croix-Rouge française.

Selon lui, des vaccins délivrés il y a quelques années contre une épidémie de méningite au Niger étaient des faux, alors que cette maladie tue plusieurs milliers de personnes chaque année dans ce pays pauvre du Sahel. Un médicament sur dix dans le monde est une contrefaçon, selon l'OMS. Mais ce chiffre peut atteindre 7 sur 10 dans certains pays, notamment en Afrique où au moins 100 000 personnes y meurent chaque année à cause de faux médicaments, souvent fabriqués en Chine ou en Inde.

Plus rentable que la drogue

Interpol a annoncé en août 2017 la saisie de 420 tonnes de produits médicaux de contrebande en Afrique de l'Ouest, dans le cadre d'une vaste opération qui a mobilisé sept pays : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Nigeria et Togo.

« Le business de la contrefaçon des médicaments arrive en tête des trafics illicites, affirme Geoffroy Bessaud, directeur de la coordination anti-contrefaçon de Sanofi. Un investissement de 1 000 dollars peut rapporter jusqu’à 500 000 dollars alors que pour le même investissement, le trafic d’héroïne rapporte 20 000 dollars. »

En mai 2017, les autorités ivoiriennes avaient incinéré 40 tonnes de faux médicaments provenant d'Adjamé, un quartier populaire d'Abidjan (Côte d'Ivoire) abritant le plus grand marché de rue de médicaments d'Afrique de l'Ouest. Dans ce pays, première économie d'Afrique francophone, le secteur pharmaceutique légal enregistre chaque année « une perte de 40 à 50 milliards de francs CFA (60 à 76 millions d'euros), dont plus de cinq milliards destinés à l'État », selon les chiffres de l'Ordre des pharmaciens de Côte d'Ivoire.

Un business largement impuni

Les criminels profitent du fait qu'à l'inverse du trafic de stupéfiants, le commerce de faux médicaments demeure largement impuni dans le monde, étant considéré comme un simple délit de violation de la propriété intellectuelle, alors qu'il est responsable de centaines de milliers de morts par an, déplore l'Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (Iracm), basé à Paris.

Le groupe Sanofi affirme avoir démantelé en 2016 27 laboratoires clandestins dont 22 en Chine, en Indonésie, en Ukraine et en Pologne. Le groupe dispose d'un système de gouvernance qui détecte les produits contrefaits et les achemine à son laboratoire central d'analyse de contrefaçon à Tours.

Reste que les États pauvres n'ont eux pas les moyens suffisants pour s'attaquer réellement aux trafiquants de médicaments, qui innovent en permanence pour échapper aux contrôles. 

(Avec l'AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr