Durcissement des conditions de prescription de l’isotrétinoïne, suspension temporaire d’AMM pour Diane® 35, alerte sur la toxicité de la minocycline ou encore volonté de circonscrire l’émergence d’antibiorésistances… Ces trois dernières années, les traitements de l’acné ont fait l’objet de nombreuses interrogations voire d’alerte et de mesures coercitives.
Cette période de turbulences a conduit la Société Française de Dermatologie (SFD) à publier mardi dernier de nouvelles recos sur la prise en charge de l’acné.
Élaborées avec la HAS (voir encadré) ces nouvelles guidelines actualisent les recos Afssaps de 2007 et remettent à plat les bonnes pratiques. Pour la SFD, l'acné doit être prise en charge si « elle est sévère et/ou qu'il existe un risque de cicatrices », mais aussi « quel que soit le degré de sévérité clinique, si l'acné a un retentissement psychosocial sur la personne, si elle porte atteinte à sa qualité de vie ou si elle interfère dans sa relation avec les autres ».
Le cas échéant, le groupe de travail mené par le Pr Bernard Guillot (Montpellier) préconise « un traitement à adapter selon la sévérité de l’acné et les préférences du patient ». Globalement, les traitements locaux, qu’il s’agisse de crèmes ou de gels, à base de peroxyde de benzoyle et les rétinoïdes sont à privilégier pour une acné légère à moyenne. Un antibiotique peut être prescrit en complément pour une acné moyenne. L’isotrétinoïne sera réservée aux acnés sévères et très sévères et avec un risque cicatriciel. Pour évaluer le stade de gravité, les experts proposent l’utilisation d’une nouvelle échelle (GEA) qui prend en compte non seulement l’aspect des lésions mais aussi leur étendue.
Mollo sur les antibiotiques locaux
Par rapport à 2007, les recos 2015 appellent à lever le pied sur les antibiotiques locaux qui ne sont plus préconisés qu’en seconde intention dans les acnés légères pour retarder la mise en route d’une antibiothérapie générale.
Les antibiotiques oraux gardent en revanche une place de choix, en première intention dans les acnés moyenne et sévère mais la liste des molécules utilisables se résume dorénavant à la doxycycline et à la lymécycline. La minocycline est définitivement mise à l’index compte tenu de sa toxicité.
Quand à l’érythromycine, « vu le très faible niveau de preuves de son efficacité et des taux de résistance important de certaines bactéries, elle doit être réservée à des situations exceptionnelles ».
Diane® 35 reléguée en troisième ligne
Suite aux alertes de l’ANSM sur leur risque thromboembolique, la SFD a également revu à la baisse la place des associations acétate de cyprotérone/éthinylestradiol (Diane® 35 et génériques). Désormais, ces médicaments ne sont plus considérés que comme une option contraceptive de 3e ligne pouvant être envisagée chez une femme présentant une acné persistante malgré un traitement dermatologique bien conduit.
Faute d’AMM dans la contraception, l’association acétate de cyprotérone/éthinylestradiol ne doit pas, en revanche, être prescrite dans le cadre d’un traitement par isotrétinoïne. Plus généralement, les nouvelles recos écartent toute prescription de pilule comme traitement de l’acné.
Si un contraceptif doit être prescrit à une femme présentant de l’acné, les experts préconisent de privilégier en première intention une pilule de 2e génération type lévonorgestrel puis en 2e intention du norgestimate, ce contraceptif assimilé 2e génération ayant une AMM pour la contraception chez la femme présentant une acné. Contrairement aux idées reçues, « toutes les pilules ont un effet plutôt positif sur l’acné sans différence entre elles, souligne le Pr Guillot, ce qui doit conduire à privilégier la tolérance ».
L’isotrétinoïne per os prend du galon
Malgré un risque tératogène important et un doute quand à son innocuité sur le plan psychiatrique, la SFD est moins sévère pour l’isotrétinoïne orale qui reste « un traitement remarquablement efficace » ,rappelle le Pr Guillot. Mais qui reste aussi un traitement « à part » dont la prescription fait souvent l’objet de longues négociations avec le patient ou ses parents, témoigne le Pr Marie-Aleth Richard, présidente de la SFD.
Sous couvert d’une vigilance accrue (y compris vis-à-vis du sur-risque de suicide, même si celui-ci n’est pas étayé au niveau populationnel), les nouvelles guidelines tendent à prôner un recours plus précoce à ces médicaments, désormais indiqués en première intention pour les acnés très sévères. De même, dans les acnés sévères, « un traitement par isotrétinoïne pourra être débuté en cas d’échec du traitement de première intention sans attendre trois mois en cas de risque cicatriciel important ou en cas de récidive rapide ».
Trois mois pour juger de l’efficacité d’un traitement
En dehors de ce cas de figure, tout traitement d’attaque de 1re intention doit être poursuivi 3 mois avant de pouvoir juger de son efficacité et d’en modifier éventuellement les modalités. À l’issue de cette « période de sûreté » et en cas d’échec, un traitement d’attaque de 2e intention sera initié. À l’inverse après l’obtention d’une rémission, un traitement d’entretien local devra être prolongé « aussi longtemps que nécessaire ».
« Aucun traitement de l'acné n'est efficace immédiatement, rappellent les experts, et il faut quelques semaines avant l'obtention d'une amélioration et le bon suivi du traitement est gage de sa réussite » Or à ce jour, moins d'un patient sur deux suit correctement le traitement prescrit. D’où l’importance de l’information et de l’éducation du patient qui font l’objet d’un chapitre dédié.
Pas de régime alimentaire particulier
Pour la 1re fois, les experts se prononcent sur l’intérêt d’un éventuel régime alimentaire. Depuis 2007, « les études sur le sujet se sont multipliées, explique le Pr Guillot. Mais pour le moment les données disponibles restent de qualité très inégale et ne permettent pas de préconiser l’éviction de tel ou tel aliment ». Enfin, les nouvelles recos innovent aussi sur la forme avec un algorithme de décision simplifié et une version interactive sur Internet.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature