Les allergies respiratoires, des maladies bénignes qui ne toucheraient que l'enfant ? Une gêne saisonnière provoquée par les pollens de printemps ? Loin de là, dénonce le monde de l'allergologie qui, à la veille du premier tour de la présidentielle, dévoile un livre blanc pour réclamer un plan d'actions national, et le label « grande cause nationale » – déjà demandé, en vain, en 2012.
« Les allergies respiratoires font partie de ces nouvelles épidémies non transmissibles du monde moderne », assure le Pr Jocelyne Just, pneumo-pédiatre et présidente de la Société française d'allergologie (SFA), co-auteur du livre blanc*.
« On assiste à l'augmentation de l'incidence de ces pathologies et de leur sévérité », poursuit-elle. En Occident, la prévalence des allergies (respiratoires, alimentaires, etc.) serait de 38 à 35 %, et de 30 % en France, soit 20 millions de personnes, contre 3,8 % en 1963. Trois millions seraient asthmatiques (50 % d'origine allergique, chez l'adulte, et 80 % chez l'enfant), 12 millions présenteraient une rhinite allergique. Et un Français sur cinq touchés par une allergie respiratoire souffrirait d'une forme sévère.
« Il ne s'agit plus d'un rhume des foins lié aux graminées. À Paris, des bouleaux ont été plantés après les dégâts de la tempête de 1998 : on voit de plus en plus de rhinites, d'asthmes, lors des pics de pollinisation, mais aussi une conjugaison avec les allergies alimentaires inédites avant », observe le Pr Just. « Les malades ne sont plus les mêmes », résume-t-elle, s'inquiétant des polyallergies (alimentaires, cutanées, respiratoires) et de l'aggravation des allergies entre elles. « Il y a 20 ans, on voyait peu d'intolérance à l'arachide ! »
Formation des médecins et prise en charge lacunaires
À la clef, pour le patient, c'est une nette dégradation de la qualité de vie, 3 fois plus de risque pour les asthmatiques sévères de voir leur pronostic vital engagé, 15 000 personnes hospitalisées chaque année pour une crise, et 3 morts par jour. Pour la société, la rhinite allergique serait à l'origine de 7 millions de journées de travail perdues par an (1 milliard d'euros), tandis que les hospitalisations dues à l'asthme coûtent 9 millions d'euros. L'errance thérapeutique serait de 7 ans, estime Christine Rolland, présidente de l'Association Asthme et Allergies.
Le livre blanc insiste sur la nécessité de structurer un parcours de soins, avec un premier diagnostic posé par le généraliste et la pédiatre, qui peuvent suivre les formes sévères ; ou réorienter les patients plus sévères vers les allergologues.
L'hôpital a aussi sa carte à jouer. Malgré la reconnaissance de la spécialité universitaire en décembre 2016, il n'existe pas de service hospitalier d'allergologie générale en France (seulement des consultations ou unités fonctionnelles) – donc peu de terrains de stage. Les auteurs plaident pour la création de centres experts, dédiés à l'asthme et aux allergies sévères, où seraient dispensées des immunothérapies personnalisées, voire des biothérapies (anti-IGE, IL5 ou IL13). Le processus est enclenché pour la reconnaissance de l'anaphylaxie dans le cadre du 3e plan maladies rares, mais la réflexion doit être plus large, estiment-ils.
La formation initiale et continue des médecins doit être renforcée : « 2 heures pour traiter de la rhinite, des allergies respiratoires, de l'eczéma, et de l'asthme sont bien insuffisantes », cingle le Pr Just. Seulement 1 200 professionnels exercent l'allergologie en France, pour plus de 10 millions de patients allergiques. « Pour 2017, nous avons 30 internes en allergologie, c'est ridicule », estime-t-elle, réclamant une mise en adéquation de l'offre médicale avec les besoins de santé publique.
Développer l'arsenal thérapeutique et la recherche
Le livre blanc réclame une prise en charge « optimale » des traitements d'immunothérapie allergénique (ou de désensibilisation), et notamment des allergènes préparés spécialement pour un seul individu (APSI). « Ils sont les seuls à pouvoir modifier l'histoire de la maladie, à pouvoir enrayer la marche de la forme modérée à sévère, et à avoir un effet rémanent qui permet aux patients, après trois ans, de s'en passer », explique le Pr Just. Or leur taux de remboursement est menacé, au motif qu'ils n'apportent pas d'amélioration du service rendu par rapport aux traitements symptomatiques (antihistaminiques). Et les allergologues de souligner la difficulté à présenter de grandes études qui embrasseraient tous les allergènes.
Enfin, le livre blanc appelle à accélérer la recherche, sur les biothérapies, l'éducation thérapeutique, mais aussi sur les facteurs environnementaux, et les allergènes qui ne cessent d'évoluer.
* auquel ont aussi participé le Dr Isabelle Bossé, présidente du Syndicat français des allergologues (SYFAL), le Pr Pascal Demoly, à la tête de la Fédération française d'allergologie (FFAL), le Dr Jean-François Fontaine, de l'Association nationale de formation continue (ANAFORCAL), Christine Rolland, de l'Association Asthme et Allergies, et Véronique Olivier, de l'Association française pour la prévention des allergies (AFPRAL).
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