15 ans de coopération médecin-infirmière 

Asalée, nouvelle alliance interpro au bénéfice des patients chroniques

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Publié le 22/10/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

En 14 ans d'existence, le dispositif Asalée (Action de santé libérale en équipe), semble avoir trouvé sa place et sa pertinence dans la prise en charge des maladies chroniques en médecine de ville. « Dès les premières évaluations, une amélioration significative du suivi des patients et de la qualité des soins, mais aussi une maîtrise des dépenses ont été constatés, » assure Julien Mousquès, chercheur à l'Irdes (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé).

Initié en 2004 par un médecin généraliste et un ingénieur, le dispositif part de l’idée qu’une infirmière formée et outillée, exerçant sur le lieu de travail d’un médecin généraliste, peut contribuer à améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Il s'agissait d'établir des protocoles de coopération permettant des délégations d'actes ou d'activités des médecins généralistes vers des infirmières comprenant des dépistages et des suivis de pathologies chroniques.

L'alliance originale entre le cure et le care

Le dispositif a d'abord été expérimenté dans 3 cabinets médicaux des Deux-Sèvres, avec un financement de l’Union régionale des médecins libéraux (URML) de Poitou-Charentes pendant un peu plus d’un an. Rapidement, fin 2005, l'association Asalée est créée et financée par le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV). « À cette étape, des travaux de recherche qualitative ont révélé l’importance du travail éducatif développé par les infirmières et leur dynamique collective, » rappelle Julien Mousquès. L'étude de l'Irdes (2008) souligne alors « l'alliance originale entre le monde du traitement (le cure) et le monde du soin (le care) » et conclut à l'efficacité du dispositif et à son efficience pour les patients diabétiques de type 2.

Dès 2008, Asalée est ainsi institutionnalisée et étendue à quatre régions, sous condition de protocoles validés par la Haute Autorité de Santé (HAS). Formées à l’éducation thérapeutique (ETP), les infirmières interviennent dans le cadre de quatre protocoles : dépistage et prise en charge du diabète, suivi des patients à risque cardiovasculaire, dépistage de la broncho-pneumopathie chronique obstructive et dépistage des troubles cognitifs. Dans ce modèle, une infirmière à temps plein travaille en moyenne avec 5 médecins, rémunérés pour les temps de concertation avec elle. Une évaluation publiée par la CNAM en 2010 mettait en évidence une économie relative de la consommation de soins de 10 % chaque année et une constance des résultats.

Des bénéfices tangibles pour les patients

En 2012, l’extension du dispositif devient nationale, via son intégration à l’Expérimentation des nouveaux modes de rémunération (ENMR) en tant que module de délégation de tâches. Les effectifs se sont alors progressivement étoffés pour atteindre, au 31 décembre 2017, 533 infirmières, représentant 267 équivalents temps plein, exerçant dans 75 cabinets avec 1 959 médecins. En 2014, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie évalue le budget annuel par équivalent temps plein d’infirmière à 80 000 euros, dont une partie rémunère les médecins pour le travail de coordination. « Ce coût doit être mis en balance avec le service supplémentaire rendu (éducation thérapeutique), l’amélioration, le cas échéant, de la santé des patients (qui n’est documentée à ce stade que pour les diabétiques) et la réduction globale des dépenses de santé de ces patients, qui proviendrait surtout de la réduction de l’hospitalisation mais dont la mesure est complexe, » souligne l'avis du Haut conseil.

Plus récemment, une étude sociologique, menée par l'Irdes, mettait en avant les témoignages de médecins généralistes et infirmières engagés dans le dispositif. Il en ressort une appropriation par tâtonnement et une relation médecin-infirmière qui se construit dans l'expérimentation et par la confiance, avec des modalités propres à chaque binôme. Les résultats sont salués tant par les médecins et les infirmières que par les patients. Ces derniers y trouvent le temps et l'écoute pour exprimer leurs besoins et être accompagnés vers une plus grande autonomie dans leur vie avec un facteur de risque ou une maladie. L'apport apparaît ainsi tangible dans un contexte de complexité croissante des situations des patients.

Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du médecin: 9696