« NOUS AVONS DÉCOUVERT qu'environ 5 % des Amish ont une mutation génétique qui accélère la dégradation des triglycérides, particules lipidiques associées à un risque accru de maladie coronarienne », explique dans un communiqué le Pr Toni Pollin (University of Maryland School of Medicine, Baltimore). « La découverte de cette mutation pourrait éventuellement nous aider à développer de nouvelles thérapies pour diminuer les triglycérides et prévenir la maladie cardio-vasculaire ».
On sait que des taux sanguins élevés de triglycérides à jeun (TGJ) et en post-prandial (TGpp), majorent le risque de maladie cardio-vasculaire. Désireux d’identifier des facteurs génétiques qui influencent ces taux de TGJ et de TGpp, Toni Pollin et coll. ont étudié plus de 800 membres d'une population Amish de Pennsylvanie (Comté de Lancaster). Ils ont dosé les taux de triglycérides des participants Amish à jeun puis toutes les heures pendant six heures après l'ingestion d'un milk-shake riche en graisses.
Les chercheurs ont ensuite réalisé une étude génomique d'association, analysant 500 000 marqueurs SNP dans l'ADN des participants, afin de trouver des variants SNP qui soient associés aux taux sanguins des triglycérides.
La plus forte association aussi bien avec le TGJ qu'avec le TGpp fut trouvée sur le chromosome 11q23 avec le variant rs10892151.
Les individus portant l'allèle A de ce variant présentaient des taux significativement réduits de TGJ et TGpp, évoquant les effets de la délétion du gène APOC3 chez la souris.
Les chercheurs ont donc séquencé le gène APOC3, et ont identifié dans l'allèle une mutation nulle (R19X) qui entraîne un codon stop et l'absence de production de la protéine apoCIII.
Les participants hétérozygotes pour la mutation (R19X) ont effectivement seulement 50 % des taux d'apoCIII trouvés chez les participants ne portant pas la mutation.
L'apoCIII est une protéine qui se lie aux lipides circulants. Elle inhibe la dégradation des triglycérides, qui restent ainsi plus longtemps dans le sang ; elle semble accélérer la dégradation du bon cholestérol HDL (high density lipoprotein), et des taux élevés ont été précédemment associés à un risque accru de maladie cardio-vasculaire.
Baisse des triglycérides et du LDL, augmentation du HDL.
Les porteurs de la mutation ont un excellent profil lipidique. Ils présentent non seulement des taux de triglycérides plus faibles que les non porteurs de la mutation, mais aussi des taux plus élevés de cholestérol HDL (le bon cholestérol), et des taux plus faibles de cholestérol total et cholestérol LDL (le mauvais cholestérol).
De surcroît, les porteurs de la mutation ont moins souvent une athérosclérose infraclinique, révélée par la détection des calcifications coronariennes à la tomographie.
Cette étude procure donc une solide preuve à l'appui d'un effet cardioprotecteur du déficit permanent en apoCIII (50 % des taux normaux).
Une personne née aux alentours de 1750.
Les fibrates abaissent indirectement l'expression APOC3, et d'autres agents hypolipémiants comme les statines, les thiazolidinediones, l'ezetimibe, la niacine, l'huile de poisson et la perte de poids ont été associés à une baisse des taux d'apoCIII.
« Le fait qu'une mutation nulle de l'APOC3, de survenue naturelle, confère un profil lipidique favorable et une cardioprotection apparente, sans entraîner d'effet néfaste manifeste, soulève la possibilité que des thérapies visant spécifiquement à réguler à la baisse l'expression de l'apoCIII seront cliniquement efficaces et sûres pour réduire la morbidité et la mortalité associées à la maladie cardio-vasculaire », concluent Pollin et coll.
Les chercheurs pensent que la mutation a été introduite pour la première fois dans la communauté Amish de Lancaster par une personne née aux alentours de 1750. La mutation semble être rare, voire absente dans la population générale.
« Science », 12 décembre 2008, p. 1702, Pollin et coll.
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