Au CHU de Rennes, journée particulière au service de pneumologie

Publié le 09/09/2010
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LE CHU DE RENNES a connu une mobilisation importante contre la réforme des retraites avec plus d’un quart de grévistes. Activité oblige, dans le service de pneumologie en revanche, peu de grévistes. Pourtant, les sujets de préoccupation sont nombreux. Si Nathalie et Jennifer, deux aides-soignantes du service, n’avaient pas collé sur leur blouse le mot « gréviste », rien dans leur attitude ne laisserait penser qu’elles sont mobilisées. Alors que le cortège s’ébranle dans les rues de Rennes, elles s’affairent auprès des 26 patients.

Car, manifestation ou pas, le service est complet. Au CHU, deux blocs ont bien fermé (une dizaine d’interventions ont été reportées) et en cardiologie interventionnelle, certaines activités spécifiques, comme la pose de valves percutanées, ont pu être lissées sur la semaine. En revanche, les deux unités de soins de pneumologie ont leurs lits occupés, avec beaucoup de patients en fin de vie. Pas question d’assurer un service « minimum ».

Sur les 147 soignants grévistes du pôle « Thoracique, Vasculaire, Métabolique », 78 ont été assignés. En pneumologie, infirmières et aides-soignantes savaient qu’elles seraient sur le pont. Coûte que coûte. « Nous nous étions inscrites pour faire grève une heure, mais même cette heure-là, on n’a pas pu la prendre ! », explique Nathalie. « La charge de travail est telle que j’aurais été réquisitionnée », admet Dominique, infirmière et non-gréviste. « On a de l’urgence, des soins continus, même un bloc qui n’était pas prévu, souligne la cadre infirmière. Si on n’avait pas pu être aussi nombreux aujourd’hui, il y aurait eu de la négligence dans les soins. » Alors les aides-soignantes du service ont décidé qu’une seule d’entre elles (sur six) arrêterait le travail pendant une heure symbolique. Ce qui place le service de pneumologie largement en dessous du taux de mobilisation de 26,87 % enregistré par la direction sur l’ensemble des soignants du CHU (1).

Fatigue psychologique.

Pourtant, la réforme du système de retraite est « un sujet très préoccupant pour le personnel », selon Marie-Annick Jean, cadre supérieur de santé. Usée par une « fatigue psychologique » et les efforts physiques, Nathalie va quitter la pneumologie pour la cardiologie le 1er octobre. « La retraite à 62 ans, au lieu de 55 actuellement, ça nous fait peur, reconnaît-elle. On est concernées par la pénibilité… »

Dominique, une des 11 infirmières de jour que compte ce même service, ne sait pas encore ce qu’elle fera dans les années à venir. Pour cette femme de bientôt 50 ans, « c’est le flou artistique ! ». Devra-t-elle accepter le passage en catégorie A de la fonction publique hospitalière, mais faire une croix sur un départ à 62 ans ? Ou rester en catégorie B et pouvoir partir à 57 ans au lieu des 55 ans actuels ? À la fin de l’année, ce seront les infirmières mères de trois enfants et ayant plus de 15 ans de service qui devront décider si elles prennent leur retraite anticipée… « Plus de 500 soignantes sont concernées en théorie par ce texte au CHU… Imaginez l’impact quantitatif et qualitatif avec une perte importante de compétences ! », s’interroge Pierrick Jaglin, directeur des soins du CHU. « Il peut y avoir des secteurs à fermer dans ces conditions, nous ne serons plus en mesure d’assurer l’activité médicale », admet à son tour le Dr Hervé Lena, PH en pneumologie et président du Syndicat national des praticiens hospitaliers du CHU.

(1) Soit 17,82 % de grévistes et 9,05 % d’assignés.

 DE NOTRE CORRESPONDANT OLIVIER QUARANTE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8811