LE QUOTIDIEN : Reconnaître le caractère médical de la profession de sage femme implique selon vous de sortir de la fonction publique hospitalière. Qu’en attendez-vous ?
CAROLINE RAQUIN : Contrairement à ce qu’elle affirme, Marisol Touraine n’a fait aucune réelle avancée dans ses propositions annoncées début mars. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette création d’un « statut médical » à l’intérieur de la fonction publique hospitalière. Cela ne nous permettrait pas d’exercer nos missions avec toute l’indépendance prévue par notre code de déontologie. Nous sommes une profession médicale et, à ce titre, nous ne pouvons être soumis à une hiérarchie en dehors de celle du directeur de l’hôpital. À l’intérieur de la fonction publique hospitalière, il y a des liens de subordination et une hiérarchie intraprofessionnelle. Et cela ne peut pas être compatible avec l’indépendance d’exercice d’une profession médicale à part entière. Nous restons donc fermes sur notre souhait d’obtenir un statut de « praticien hospitalier sage-femme », en dehors de la fonction publique hospitalière.
Pour le reste, les annonces de Marisol Touraine ne font que reprendre des choses qui existent déjà. Prenons, par exemple, sa proposition de faire participer les sages-femmes aux Commissions médicales d’établissement (CME). C’est une disposition qui figure dans la loi HPST de 2009. Et en septembre 2010, il a été dit qu’il fallait augmenter le nombre de sages-femmes représentantes dans les CME.
La ministre avait aussi annoncé des mesures visant à valoriser les compétences médicales des sages-femmes et un renforcement de leurs responsabilités. Souhaitez-vous devenir le praticien de premier recours en gynécologie ?
Notre deuxième revendication porte en effet sur la mise en place d’un parcours de santé dans la prise en charge des soins primaires pour la femme enceinte et le suivi gynécologique de prévention avec une visibilité de la sage-femme comme praticien de premier recours. Aujourd’hui, les femmes ont certes la possibilité de consulter en accès direct une sage-femme libérale ou territoriale. Mais la grande majorité d’entre elles ne connaissent pas la diversité de nos missions. Il est donc primordial de mieux faire connaître les compétences de sages-femmes libérales et territoriales pour que ce libre choix des femmes puisse s’exercer réellement.
Il est important de dire que, depuis le début de notre mouvement, nous avons toujours affirmé notre volonté de ne pas entrer en concurrence avec les généralistes ou avec les gynécologues médicaux ou obstétriciens. Sur le terrain, on constate que globalement, les choses se passent très bien entre les uns et les autres. Nous avons vocation à nous occuper de patientes en bonne santé et, en cas de problème, à adresser au généraliste traitant ou au médecin spécialiste. En France, 25 % de femmes jeunes n’ont aucun suivi gynécologique. C’est à ces femmes que nous souhaitons nous adresser en leur faisant connaître nos compétences dans le domaine de la prévention, du dépistage et du diagnostic.
Notre troisième revendication porte sur la mise en place de salaires à la hauteur des compétences et des responsabilité des sages-femmes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature