Il aura fallu 5 séances de concertation et 5 mois de travail à l'observatoire médical du Rugby pour aboutir à 45 préconisations pour protéger la santé des joueurs professionnels et amateurs. Si elles sont effectivement appliquées, certaines vont bouleverser les habitudes de l'élite de l'ovalie.
Présentées à la presse jeudi 29 mars, les mesures concernant les joueurs professionnels étaient les plus attendues. Selon le Dr Bernard Dusfour, président de la commission médicale de la Ligue, « il existe 4 facteurs de risques principaux » à l'origine de 40 % des sorties sur blessures supplémentaires entre 2012 et 2014 : « Le temps de jeu effectif est passé de 20 à 40 minutes par match et par joueur, les phases dynamiques sont en augmentation, les joueurs sont plus lourds et plus rapides et l'on assiste à d'avantage d'affrontements et à moins d'évitements. »
Moins de temps de jeu, plus de temps médical
Pour contrer ces tendances de fond, l'observatoire propose de fractionner le temps de jeu des joueurs de l'élite, avec une limite de 360 minutes de jeu suivies d'une semaine de régénération. Au bout de 4 matchs et demi, un joueur devra donc passer une semaine en repos avant de reprendre l'entraînement. « Au-delà du match lui-même, c'est l'entraînement qui suit qui est pourvoyeur de blessures », explique le président de la Ligue nationale de rugby, Paul Goze, à l'issue de la réunion de synthèse de l'observatoire. Cette mesure sera testée au cours des 2 prochaines saisons (2018-2019 et 2019-2020). Les instances vont débattre sur d’éventuelles sanctions pour les clubs qui ne respecteront pas cette nouvelle règle.
Au chapitre des mesures plus « médicales », l'observatoire insiste sur l'accès des joueurs à un staff médical, avec une obligation de 5 demi-journées de présence médicale par semaine et par club de l'élite, de même que 20 demi-journées de présence de kinésithérapeute. De plus le staff médical sera désormais autorisé à suivre l'action depuis la ligne de touche, afin d'établir précocement le diagnostic.
Autre mesure phare, mais dont l'application nécessitera l'aval du World Rugby (organisme international fixant les règles du jeu) : la mise en place du remplacement illimité. Les équipes disposeront de 8 remplaçants, mais les joueurs sortis du terrain pour des raisons liées au coaching pourront y retourner pour remplacer un joueur blessé.
Les experts rassemblés par l'observatoire médical préconisent aussi le renforcement de la technique individuelle des joueurs. « Plus de 50 % des commotions ont lieu sur des erreurs de plaquage », souligne Paul Goze. La formation des enfants dans les écoles de rugby inclura l'apprentissage progressif du contact, une « tackle box », et plusieurs journées de formation autour de la sécurité et de la prévention des blessures. La ligue et le FFR vont également interdire la prise de protéines en poudre avant l'âge de 18 ans. « La performance liée à la prise de masse et à la prise de poids est un mirage que nous devons faire disparaître », martèle Paul Goze.
Protéger les amateurs et améliorer le suivi épidémiologique
Dans le monde amateur (division fédérale et division d'honneur), l'observatoire propose le recours au protocole commotion, comme dans le monde professionnel, ainsi que le carton bleu déjà expérimenté dans une division féminine. Lorsque ce dernier est enclenché par l'arbitre, ou par l'entraîneur par le biais d'une déclaration symptomatique après le match, la licence du joueur est bloquée pendant 10 jours.
Ils proposent aussi un élargissement des divisions où chaque match doit bénéficier de la présence d'un médecin. Cette mesure « fait l'unanimité » mais se heurte à la réalité de la désertification médicale, comme l'illustre le Dr Thierry Hermerel, président de la fédération française de rugby : « On n'y parviendra pas à la saison suivante, il va nous falloir recruter au moins 30 médecins en plus ». Pour améliorer cette situation, l'observatoire propose la formation d'un réseau médical labellisé pour former les médecins généralistes et les médecins du sport à la prise en charge de la commotion simple. Une application smartphone d'aide au diagnostic et la mise en place de solutions de télémédecine sont aussi au menu.
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