« D’après les estimations de L’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2050, une personne sur deux sera allergique. Alors que nous avons de plus en plus besoin d’allergologues, il s’agit une espèce en voie de disparition en France ! », s’alarme le Pr Jocelyn Just, chef du service d'allergologie de l'hôpital Armand Trousseau à Paris.
La proportion de Français souffrant d’allergies a déjà doublé ces deux dernières décennies. Entre 20 et 30 % de la population souffre de rhinites allergiques, 6 à 10 % d’asthme, 8 % d’eczéma, 3 à 8 % d’allergies alimentaires… Pourquoi une telle croissance ? Les causes sont multiples. Les facteurs protecteurs – un environnement diversifié sur le plan animal et végétal – se raréfient, ce qui, selon la théorie hygiéniste, accroît les risques d’allergies et de maladies auto-immunes. S’ajoutent à cela des facteurs aggravants avec, en première ligne, la pollution et le tabac, qui sensibilisent non seulement les voies respiratoires mais déclenchent également des allergies alimentaires et dermatologiques. « La pollution et le tabagisme sont des irritants qui abaissent le seuil de réaction. Ils peuvent aussi avoir un effet épigénétique, favorisant l’expression de gènes qui interviennent dans l’inflammation », explique la praticienne. Le réchauffement climatique est également pointé du doigt, du fait du rallongement des périodes de pollinisation par exemple. « Avec la multitude de cofacteurs qui interviennent, ce qui auparavant déclenchait un petit rhume des foins provoque désormais des rhinites très invalidantes avec risques d’asthme, d’allergies alimentaires », décrit le Pr Just, qui observe que les allergies sont non seulement plus fréquentes mais aussi plus sévères et plus complexes.
Manque de reconnaissance
Face à cette transformation, les allergologues dits « généralistes », capables de prendre en charge les allergies de manière transversale, « sans saucissonner le patient », ont un rôle central. Or, d’après le Pr Just, ils sont de plus en plus rares. « Au cours de leur formation, les étudiants reçoivent que deux heures d’allergologie, ce n’est évidemment pas suffisant face à la complexité croissante des allergies croisées. Et la discipline n’attire pas, confie-t-elle. Les allergologues ne sont pas des spécialistes, or leurs consultations sont longues et compliquées. » Dans le cadre des réformes du 3e cycle des études médicales, les experts ont exhorté les autorités sanitaires à faire de l’allergologie une spécialité à part entière. En vain. « Alors que 15 pays européens l’ont déjà fait, la France est à la traîne. Nous n’avons pas réussi à convaincre les autorités de l’urgence », déplore-t-elle. Une spécialisation permettrait de former davantage de médecins et plus précocement. « Pour ceux qui se destinent à l’allergologie, cela permettrait de réaliser des stages d’internat mais aussi d’authentifier l’allergologie comme devant être financée pour la recherche et d’avancer dans la compréhension des mécanismes impliqués, dans les traitements, pour mieux dépister et mieux soigner ».
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