L’observance thérapeutique est un domaine complexe, qui dépend entre autres de la perception de la maladie par les patients, des relations patients-soignants et des effets secondaires des médicaments. Au début d’un traitement hypo-uricémiant (THU), des crises de goutte peuvent survenir, générant une perte de confiance du patient et un arrêt du traitement. Il est donc essentiel d’en informer les patients et d’associer au THU un traitement préventif des crises par colchicine à faible dose (0,5 mg/j) pendant au moins six mois (1). L’utilisation de la colchicine est parfois difficile, voire impossible, chez les patients avec une maladie rénale chronique (MRC) sévère de stade 4 ou 5, définie par une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min.
Instaurer le THU à doses progressives
Une nouvelle stratégie a été proposée pour diminuer la prévalence des crises sans utiliser la colchicine (2). Elle consiste à commencer le THU à très faible dose avec une augmentation progressive mensuelle des posologies jusqu’à l’obtention de l’uricémie cible, c’est-à-dire une uricémie inférieure à 360 µmol/L chez des patients avec une goutte sans tophus palpable. Avec ce schéma, la prévalence des crises de goutte pendant les trois premiers mois du THU était plus basse chez les patients débutant le fébuxostat à faible dose (10 mg/j pendant quatre semaines, puis 20 mg/j pendant quatre semaines, puis 40 mg/j) sans colchicine par rapport aux patients recevant d’emblée une forte dose de fébuxostat (40 mg/j) non associée à la prise de colchicine (20,8 % versus 36 %). Elle était identique à celle observée chez les patients recevant d’emblée une forte dose de fébuxostat à 40 mg/j associée à la prise de colchicine (18,9 %). La proportion de patients qui avaient une uricémie à la cible après 3 mois de THU était identique dans les trois groupes (75-80 %). Ainsi, l’instauration à dose très progressive du THU permettrait de diminuer les crises de goutte aussi efficacement qu’un traitement préventif par la colchicine. C’est donc une stratégie thérapeutique très utile avec les patients pour lesquels la colchicine ne peut pas être prescrite.
Adapter les doses de fébuxostat ?
Chez les patients avec une MRC de stade 4 ou 5, la prise en charge de la goutte est compliquée en raison, d’une part, des difficultés pour traiter les crises et, d’autre part, de celles liées au THU. L’allopurinol ne peut pas être utilisé à dose optimale, car la posologie maximale est limitée à 50 mg/j, ce qui ne permet pas d’obtenir une uricémie à la cible. Théoriquement, le fébuxostat, qui a une élimination principalement hépatique, peut être utilisé sans adaptation des doses chez ces patients à MRC sévère. Nous avons revu la tolérance et l’efficacité du fébuxostat dans le traitement de la goutte avec 73 patients avec une MRC de stade 4 ou 5 (3). Cette étude rétrospective multicentrique a montré que le fébuxostat permettait d’obtenir une uricémie cible chez 67 % des patients avec un suivi moyen de soixant-huit semaines. Le traitement semblait être bien toléré sur le plan rénal (amélioration de la fonction rénale chez 18 patients, stabilité chez 24, et aggravation chez 31), mais les données sont encore insuffisantes et nécessitent d’être confirmées par des études prospectives et un nombre supérieur de patients.
Hôpital Lariboisière, centre Viggo-Petersen, service de rhumatologie, Paris
(1) Richette P., Doherty M., Pascual E.
et al. « 2016 updated EULAR evidence-based recommendations for the management of gout »,
Annals of the Rheumatic Diseases, vol. 76, no 1, janvier 2017, p. 29-42
(2) Yamanaka H., Tamaki S., Ide Y.
et al. « Stepwise dose increase of febuxostat is comparable with colchicine prophylaxis for the prevention of gout flares during the initial phase of urate-lowering therapy: results from FORTUNE-1, a prospective, multicentre randomised study »,
Annals of the Rheumatic Diseases, vol. 77, no 2, février 2018, p. 270-276
(3) Juge P.-A., Truchetet M.-E., Pillebout E.
et al. « Efficacy and safety of febuxostat in 73 gouty patients with stage 4/5 chronic kidney disease: A retrospective study of 10 centers »,
Joint Bone Spine, vol. 84, no 5, octobre 2017, p. 595-598
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