C’est tombé comme ça, sans crier gare, au Journal Officiel le week-end du 15 novembre* : la mention de la dénomination commune internationale (DCI) devient obligatoire sur les ordonnances à partir du 1er janvier 2015. Une obligation de plus inscrite au beau milieu d’un décret d’application de la loi Bertrand sur le médicament votée trois ans auparavant. Autant dire qu’on ne l’attendait pas forcément à ce moment-là et surtout pas les médecins qui prescrivent très majoritairement en nom de spécialité.
Un décret discret
Hormis quelques articles dans la presse professionnelle, le décret s’est fait discret, la loi de santé et le tiers payant obligatoire occupant déjà le terrain syndical et médiatique…
D’ailleurs, la plupart des médecins ont déjà la possibilité de prescrire en DCI dans leur logiciel d’aide à la prescription (LAP) pour peu que celui-ci soit certifié selon le référentiel de la HAS (39 logiciels le sont déjà. Leur liste est sur le site de la HAS : http://www.has-sante.fr/?portail/ jcms/c_672760/). L’utilisation d’un LAP certifié « rapporte » même 50 points (350 euros) dans le cadre de la ROSP, ce qui a fortement poussé les praticiens libéraux à s’équiper. Fin 2013, selon les chiffres diffusés par la CNAMTS, les 85 000 médecins ayant touché la ROSP étaient équipés de logiciels certifiés à 72 %. On estime cette proportion à 85-90 % fin 2014.
Pour passer de la prescription spécialité à la prescription DCI, un paramétrage du logiciel suffit. Donc, a priori, pas de panique. Sauf que… ce n’est pas évident de changer ses habitudes et sa pratique. Ni pour les médecins, ni pour les patients se retrouvant avec une ordonnance couverte de noms de molécules…
Traduction automatique en DCI
La solution, qui apparaît comme évidente, c’est que les deux formulations – DCI et marque – figurent sur
l’ordonnance. Et que les logiciels « traduisent » automatiquement la spécialité en DCI.
Certains éditeurs ont d’ores et déjà mis en œuvre cette procédure. CompuGroup Medical (CGM) a diffusé le 29 décembre auprès des utilisateurs d’AxiSanté 4 et 5, certifié avec Vidal Expert, une mise à jour qui génère une nouvelle ordonnance : lorsque le prescripteur entre un nom de marque dans le logiciel, la DCI s’inscrit suivie du nom de marque entre parenthèses.
« Prescrire la seule molécule génère des problèmes, dans certains cas, en raison des excipients », rappelle Franck Frayer (CGM). Sont aussi concernés Hellodoc et Medicalnet qui appartiennent à CGM.
Le logiciel en ligne Medaplix de Medtext a fait le même choix, allant jusqu’à mettre en gras le nom du médicament princeps entre les parenthèses… Chez Prokov Editions, on souligne qu’un paramétrage de Medistory (expliqué sur les forums d’utilisateurs) permet déjà d’écrire les deux formulations. Sous la responsabilité du médecin.
D’autres éditeurs ont simplement indiqué à leurs utilisateurs qu’ils pouvaient activer la DCI. Cegedim Logiciels Médicaux (CLM) indique sur son site que ses LAP (Crossway, Mediclick, Monlogicielmedical) sont conformes et se réfère à la position de la FEIMA (Fédération des éditeurs d’informatique médicale et ambulatoire), présidée par Francis Mambrini (du groupe Cegedim). Selon la FEIMA, qui regroupe une dizaine d’éditeurs, la traduction automatique pose en effet un « grave problème de responsabilité » qui n’est pas du ressort des éditeurs. Dans un communiqué du 3 décembre, la FEIMA estime que les logiciels doivent se contenter de respecter la certification selon le référentiel actuel. En attendant sa version 2 dont la publication est prévue au second semestre 2015.
La charrue avant les bœufs...
Le document de travail de cette version 2 est en ligne et « Le Généraliste » a pu le consulter. La prescription sous les deux mentions y figure bien. Certains éditeurs ont donc pris un peu d’avance. « La prescription sans nom de marque existera toujours mais il y aura une prescription avec nom de marque et DCI » précise la Haute Autorité de santé reconnaissant que la prescription en DCI pose quelques problèmes. D’autant que les cinq bases de données de médicaments sur lesquelles s’appuient les logiciels n’utilisent pas toujours les mêmes noms de molécules, car elles ne sont pas « stratifiées » de la même façon. L’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) a été chargée d’élaborer une liste vraiment commune de « médicaments virtuels ». N’aurait-on pas mis, une nouvelle fois, avec cette obligation au 1er janvier, la charrue avant les bœufs…
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature