Pour les cancers du bas et du moyen rectum (accessibles au toucher rectal), les travaux actuels ont pour objectif de promouvoir la conservation de l’organe. Ce concept développé en France par le Groupe de recherche chirurgicale sur le cancer du rectum (Greccar) révolutionne l’approche thérapeutique en plaçant la chirurgie classique du rectum (résection du rectum et du mésorectum) en situation de « rattrapage » et non plus en pierre angulaire de la stratégie thérapeutique. Les avantages théoriques en sont la diminution de la morbidité et de la mortalité du traitement, la conservation du rectum et de son appareil sphinctérien. Son risque principal est l’impasse sur le statut ganglionnaire et l’évaluation du risque métastatique.
Cancer du rectum : une exérèse locale par voie endoluminale ?
Le premier essai randomisé important a été publié dans le Lancet en 2017 par des équipes françaises (1). Cette étude comparait le traitement classique de radiochimiothérapie préopératoire suivi de chirurgie d’exérèse du rectum à la même séquence de radiochimiothérapie suivie d’une exérèse locale par voie endoluminale. Les patients étaient incluables si le résidu tumoral après radiochimiothérapie était inférieur à 2 cm. Le traitement expérimental ne s’est pas montré supérieur au traitement classique : l’étude est négative. Les taux de survie sans récidive à 3 ans étaient de 78,3 % pour la résection locale versus 76,1 % pour la résection totale du mésorectum. Cette nouvelle modalité ne peut pas être actuellement considérée comme un nouveau standard, cependant, en cas de risque opératoire important, cette stratégie peut être discutée avec le patient.
Cancer du côlon : vers une réduction de la chimiothérapie postopératoire ?
Pour les cancers du côlon de stade III (avec envahissement ganglionnaire sur la pièce opératoire), le changement c’est maintenant ! L’étude internationale IDEA publiée en 2018 modifie le standard établi depuis 2004 par l’étude française Mosaic (2). Elle a inclus plus de 12 000 patients à travers le monde et comparé le traitement standard de six mois par Folfox (5-fluorouracile, oxaliplatine, acide folinique) ou Capox (capécitabine, oxaliplatine) à un traitement de trois mois seulement. Les résultats montrent que pour les tumeurs T1-T3 N1 (de 1 à 3 ganglions atteints) le nouveau standard est trois mois de Capox. Pour les patients avec une tumeur T4 ou N2, le traitement postopératoire reste de six mois. Les études actuelles ciblent des populations particulières telles que les cancers avec instabilité microsatellitaire (MSI) pour l’immunothérapie, les cancers avec mutation de PI3-kinase pour l’aspirine, les tumeurs T4N2 pour une chimiothérapie renforcée.
Cancers œsogastriques : supériorité de la chimiothérapie FLOT
Pour les cancers œsogastriques, la chimiothérapie péri-opératoire (avant et après) est un standard reconnu en Europe. Le type de chimiothérapie restait débattu, avec soit le protocole anglais associant épirubicine, 5-fluorouracile et cisplatine (ECF) soit le protocole français par 5-fluorouracile et cisplatine. L’étude allemande, dont la phase 2 a été publiée en 2016 et la phase 3 présentée au congrès américain de 2017, montre la supériorité de l’association docétaxel, 5-fluorouracile et oxaliplatine (FLOT) par rapport au protocole ECF (3). Elle a inclus 716 patients présentant un adénocarcinome de l’estomac ou de la jonction œsogastrique. La différence était très significative sur la survie globale, avec une médiane de 50 mois, versus 35, en faveur du groupe traité par FLOT (p = 0,012). Les effets secondaires de grade au moins égal à 3 étaient aussi fréquents dans les deux groupes (61 vs 62 %). Dans le groupe FLOT, les diarrhées, infections et neutropénies étaient cependant plus fréquentes.
CHU de Rouen
(1) Rullier E et al. 2017 Jul 29;390(10093):469-79
(2) Grothey A et al. N Engl J Med. 2018 Mar 29;378(13):1177-88
(3) Al-Batran SE et al. Lancet Oncol. 2016 Dec;17(12):1697-1708
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