Chez les patientes atteintes de syndrome drépanocytaire majeur, la grossesse est une période à risque de complications, tant maternelles qu’obstétricales. Elle augmente la fréquence et la sévérité des crises vaso-occlusives, de syndrome thoracique aigu, de maladies thromboemboliques veineuses, d’infections (pyélonéphrite, cholécystite), (1). Le taux de mortalité maternelle est en France 50 fois plus élevé chez ces patientes que dans la population générale (2).
Ces complications maternelles dues à la grossesse sont aussi fréquentes chez les patientes S/C et S/β+ que chez les patientes S/S, alors qu’en dehors de la grossesse elles sont habituellement moins sévères. Dans une métaanalyse de 2015, on retrouve une augmentation significative de la prééclampsie, de mort fœtale in utero, d’accouchement prématuré, et de retard de croissance intra-utérin (3). Ainsi, la grossesse complique l’évolution naturelle de la drépanocytose, et inversement.
Surveillance étroite
Afin d’optimiser les chances d’une issue favorable, la grossesse devra idéalement être programmée et surveillée étroitement de façon pluridisciplinaire, en incluant les hémobiologistes et les anesthésistes. La réalisation d’une électrophorèse de l’hémoglobine doit être proposée chez le conjoint, en raison d’une possible transmission autosomique récessive. Il faudra éduquer les patientes à éviter les situations à risque de crises (déshydratation, exposition au chaud/froid) et à consulter rapidement en cas de symptômes.
Les traitements tels que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont contre-indiqués. L’aspirine peut être proposée en prévention primaire des complications vasculaires gravidiques. L’hydroxyurée sera généralement arrêtée en préconceptionnel, ou à l’annonce de la grossesse, du fait du risque tératogène théorique, mais la décision sera prise au cas par cas (4).
Le recours à la transfusion sanguine est plus fréquent pendant la grossesse, mais doit être décidé par le médecin référent, car il comporte des risques d’allo-immunisation et d’hémolyse post-transfusionnelle retardée (5). Une supplémentation systématique en acide folique devra être maintenue tout du long de la grossesse, sans traitement martial, hormis sur avis du médecin référent.
Malgré un taux de prématurité important, le plus souvent induite, l’administration de corticothérapie à visée maturative pulmonaire fœtale n’est pas recommandée du fait du risque de décompensation maternelle. Bien que plus fréquente du fait des complications, la césarienne n’est pas systématique, en l’absence de contre-indications liées aux complications de la drépanocytose.
Une surveillance accrue sera nécessaire au troisième trimestre, notamment de la croissance fœtale. Il est conseillé de ne pas dépasser le terme de 39 semaines d’aménorrhée. La période du post-partum devra également être surveillée, notamment du fait du risque thromboembolique, en évitant les œstrogènes.
Exergue : Il faut rappeler aux patientes les situations à risque et de consulter rapidement en cas de symptômes
Service de Gynécologie Obstétrique, hôpital Antoine Béclère, AP-HP (1) Ware RE et al. Lancet. 2017 Jul 15;390(10091):311-3232 (2) Lesage N et al. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2015 Nov;194:183-8 (3) Oteng-Ntim E et al. Blood. 2015 May 21;125(21):3316-25 (4) Kroner BL et al. Am J Hematol. 2022 May;97(5):603-612 (5) Habibi A et al. Rev Med Interne. 2015 May 11;36(5 Suppl 1):5S3-84
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