La place des blocs périphériques, caractérisés par leur absence de retentissement aux plans hémodynamique, respiratoire et neurologique central, repose sur des impératifs à la fois d’efficacité et de sécurité, en tenant compte du contexte spécifique de l’urgence et de la réalisation de ces blocs par des médecins non-anesthésistes.
Le choix des techniques proposées par la conférence d’experts (1) a été fondé sur leur rapport bénéfice/risque et la nécessité de minimiser le risque d’interférence avec une technique d’anesthésie locorégionale (ALR) ultérieure pour un éventuel geste chirurgical. Enfin, le médecin non anesthésiste-réanimateur ne peut utiliser ces techniques que pour un acte réalisé par lui-même, et non par un opérateur différent (décret sur l’anesthésie).
L’échoguidage a révolutionné la pratique de l’ALR. D’après une méta-analyse d’études randomisées, les succès du bloc sont supérieurs en échoguidage, le bloc est plus rapidement installé avec une dose moindre d’anesthésiques locaux (AL) et a une durée d’efficacité supérieure. Le contexte de l’urgence ne change en rien les moyens de surveillance et les précautions adaptées à la technique d’ALR choisie. En cas de sédation de complément, la mise en place d’une voie veineuse périphérique et du monitorage cardiovasculaire s’imposent d’emblée. Quel que soit l’agent utilisé, les signes précoces de toxicité doivent donc être parfaitement connus.
La réalisation d’un bloc analgésique périphérique en urgence pose des problèmes spécifiques : moindre connaissance du terrain du malade, anamnèse réduite; le bilan préalable recherchera une lésion crânienne, thoracique et/ou abdominale susceptible d’une décompensation ultérieure. Les classiques contre-indications aux techniques locorégionales seront respectées : allergie aux AL, infection locale, troubles majeurs de l’hémostase. L’interrogatoire est suffisant pour rechercher une anomalie constitutionnelle ou acquise de l’hémostase. Enfin, il est indispensable, avant tout bloc, de consigner par écrit les données de l’examen neurologique de la zone considérée. D’autres difficultés peuvent compliquer la tâche, notamment
l’accessibilité au malade en urgence pré-hospitalière. La coopération parfois difficile de certains blessés rend l’approche difficile, voire impossible. Dans certains cas, la réalisation d’une ALR peut nécessiter une mobilisation préalable du malade facilitée par une analgésie première par voie veineuse. La réalisation dans une structure d’urgence d’une ALR ne doit pas être un obstacle à une éventuelle ALR ultérieure. Une bonne coordination et un échange de savoirs entre urgentistes et anesthésistes sont essentiels. Enfin, si le blessé quitte l’hôpital après réalisation d’un bloc analgésique, il doit être informé de la durée prévisible de celui-ci et un relais analgésique per os doit être prévu.
Traumatismes des membres et de la face
De manière schématique, deux situations se prêtent particulièrement à la mise en œuvre de l’ALR en urgence : les traumatismes des membres et ceux de la face. Pour les premiers, les techniques sont bien connues. Les blocs de la face, moins connus, méritent une plus large diffusion.
Pour l’urgence extrahospitalière, le seul bloc qui fait consensus est le bloc du nerf fémoral, chez l’adulte et chez l’enfant. De réalisation simple, il procure une analgésie d’excellente qualité. Il est adapté à l’analgésie pour les fractures de la diaphyse fémorale et pour les plaies du genou. Il est aussi partiellement efficace pour l’analgésie des fractures du col fémoral. Il permet le ramassage, la mobilisation et le transport des blessés dans des conditions d’analgésie excellentes. À l’accueil des urgences, il permet sans douleur la mobilisation pour les radiographies. Les effets adverses sont rares et la tolérance excellente. La technique modifiée, dite du bloc iliofascial sans échographie, est la technique de choix en urgence. Elle repose sur un repérage plus latéral du point de ponction. Une fois le bloc installé, le membre doit être soigneusement immobilisé (pour éviter un déplacement intempestif des fragments avec risque de lésion vasculonerveuse secondaire).
Au membre supérieur, les blocs tronculaires des nerfs médian, ulnaire et radial permettent d’explorer et de suturer toute plaie de la main et/ou des doigts, sauf celles imposant le passage au bloc opératoire (lésions articulaires et/ou vasculo-nerveuses). Le bloc de la gaine commune des tendons fléchisseurs est indiqué pour des gestes d’urgence sur les doigts.
Sous-utilisés par méconnaissance, les blocs de la face devraient supplanter en urgence les anesthésies locales qui aboutissent souvent à infiltrer des volumes excessifs d’AL pour suturer des plaies aux berges devenues succulentes.
La pratique de l’ALR requiert une formation théorique et pratique, initiale et continue. L’élaboration de procédures et de cahiers de protocoles doit être intégrée dans une approche globale de la prise en charge du patient en urgence associant le pré-hospitalier, le service des urgences et le bloc opératoire, pour ne pas interférer avec une technique d’anesthésie nécessaire à un éventuel acte chirurgical ultérieur.
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