Plusieurs recommandations encadrent les pratiques de dépistage du cancer du sein. Elles concernent d’une part les femmes sans surrisque particulier, invitées dans le programme national de dépistage tous les deux ans à partir de 50 ans, jusqu’à 74 ans (HAS, 1), et d’autre part les femmes à très haut risque en raison d’une mutation génétique BRCA1/2 d’autre part (INCA 2009). À cela se sont récemment ajoutées des recommandations chez les femmes à risque élevé, mais non porteuses d’une mutation génétique (2).
De nombreux facteurs n’ont pas été retenus comme étant « à haut risque », car les niveaux de preuve étaient insuffisants pour enclencher une modification des modalités de dépistage. C’est le cas du traitement hormonal substitutif de la ménopause ou de la densité mammographique élevée (3). Dans le cas d’une densité élevée, une échographie peut en revanche être proposée, en raison de l’effet potentiellement masquant de la densité sur la détection des lésions.
Risque familial : des étapes simples et importantes à suivre
La première étape est l’utilisation du Score d’Eisinger (lire encadré). Il s’agit de l’évaluation rapide en consultation du risque familial (et non pas individuel). Ce score permet de savoir s’il faut orienter ou non la patiente vers un généticien : ce spécialiste est donc le seul habilité à évaluer le niveau de risque individuel selon de nombreux critères. Lui seul peut préconiser une avancée de l’âge de dépistage (avant 50 ans) et/ou proposer d’autres modalités (IRM de dépistage). En cas de score d’Eisinger ‹ 3, une femme est donc incitée à participer au programme national de dépistage organisé à partir de 50 ans. À partir d’un score de 3, une consultation oncogénétique peut être proposée.
À l’issue de l’enquête génétique, les recommandations établissent deux niveaux de risque familial, avec deux degrés de prise en charge : le risque « très élevé », (le dépistage recommandé sera comparable aux patientes mutées BRCA1/2, avec IRM et mammographie annuelle), et le risque « élevé » pour lequel seule la mammographie annuelle sera proposée, au plus tôt à partir de 40 ans, en fonction de l’histoire familiale. Les cas les plus difficiles seront discutés en comité pluridisciplinaire. Les IRM mammaires générant beaucoup de faux positifs en dépistage, le généticien recommandera cette modalité supplémentaire si le risque de cancer du sein estimé est suffisamment élevé.
Pour les femmes mutées BRCA1/2, de nouvelles recommandations seront prochainement publiées (INCa). Actuellement un dépistage renforcé de type « très haut risque » associe IRM et mammographie annuelle à partir de 30 ans, quand la femme n’opte pas pour une mastectomie prophylactique. Une des questions actuellement réévaluées porte sur la diminution du nombre de clichés mammographiques systématiques en association avec l’IRM. Plusieurs types de données incitent en effet à considérer que ces femmes sont particulièrement sensibles aux rayonnements ionisants (4, 5).
Antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose
Les femmes ayant un antécédent de d’irradiation pour maladie de Hodgkin ne sont plus suivies et ignorent très souvent le surrisque de cancer du sein. La décision de dépistage précoce et renforcé est à l’initiative de l’oncohématologue, en fonction de la dose reçue par la femme et des champs d’irradiation. Un dépistage de type « très haut risque » (identique à une patiente mutée BRCA1/2) sera proposé au plus tôt à l’âge de 30 ans, en comptant un délai de 8 ans après la fin de l’irradiation. Afin de limiter les expositions aux rayons X chez des patientes porteuses d’un risque de cancer du sein radio-induit – mais également parfois d’une mutation du gène ATM – une mammographie annuelle avec seulement une incidence systématique par sein (oblique) est recommandée en complément de l’IRM (6).
Antécédent personnel de cancer invasif ou in situ
En cas d’antécédent personnel de cancer du sein invasif ou canalaire in situ, ou d’hyperplasie épithéliale atypique (hyperplasie canalaire ou lobulaire atypique ou de carcinome lobulaire in situ), le suivi annuel mammographique est recommandé à vie. Il sera annuel pendant 10 ans pour les hyperplasies épithéliales atypiques avec ensuite un retour à un dépistage tous les 2 ans.
À noter, le repérage des femmes à très haut risque familial est d’autant plus important que se posera également la question de la prise en charge du risque ovarien. Les modalités de suivi clinique accompagnant les examens radiologiques sont rappelées dans les recommandations publiées (2). Concernant le cumul de facteurs de « faible » risque, l’utilisation des modèles de calcul du risque global de cancer du sein n’a pas été pas validée et n’est pas recommandée en consultation de médecine générale ou de gynécologie.
(1) http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-10/not…
(2) http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-d…
(3) Colin C et al. European radiology 2014;24:2412-6
(4) Pijpe A et al. BMJ 2012;345:e5660
(5) Foray N et al. Radiology 2012;264:627-31
(6) Colin C et al. Radiology 2012;265:669-76
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