Deux publications contemporaines, l’une dans Circulation, l’autre dans le « Jama », font état respectivement des dernières données d’efficacité et de sécurité du dabigatran, inhibiteur direct de la thrombine, dans l’une de ses trois indications, la prévention des accidents vasculaires cérébraux liés à la fibrillation auriculaire non valvulaire.
La première étude coordonnée par David J. Graham du Département d’épidémiologie de la Food and Drug Administration (FDA) qui ne déclare par ailleurs aucun conflits d’intérêt a utilisé un score de propensité sur une cohorte de patients âgés et appariés recevant tous pour la première fois le dabigatran ou la warfarine pour une fibrillation auriculaire non valvulaire, et recrutés à partir du système Medicare.
Durant la période de suivi qui représente totalise 37 587 personnes-année, 2 715 événements du critère primaire sont survenus : 475 accidents vasculaires cérébraux (AVC) de nature ischémique, 1 628 saignements majeurs et 612 infarctus du myocarde.
Les risques relatifs pour la comparaison dabigatran et warfarine (produit référence) sont de 0,80 (0,67-0,96) pour les AVC ischémiques, de 0,34 (0,26-0,46) pour les hémorragies intracrâniennes, de 1,28 (1,14-1,44) pour les hémorragies gastro-intestinales majeures, de 0,92 (0,78-1,08) pour les infarctus et de 0,86 (0,77-0,96) pour les décès.
Confimation des données d’efficacité
Comparativement à la warfarine, le dabigatran est associé à moindre risque d’accidents ischémiques cérébraux et cardiaques, un taux de mortalité plus bas, au prix d’une augmentation des saignements majeurs d’origine digestive. Le niveau de risque et son amplitude sont égales à ceux observés dans l’étude princeps RE-LY qui a contribué à l’obtention de l’AMM du produit, lorsque le dabigatran était utilisé à la dose 150 mg X 2/j. Quel que soit l’anticoagulant utilisé, le taux d’événement indésirable était plus élevé au cours des 90 premiers jours. Dans le groupe dabigatran, l’augmentation du risque hémorragique apparaît chez les femmes âgées de 75 ans ou plus, et chez les hommes de 85 ans et plus : le bénéfice sur la mortalité par rapport à la warfarine s’efface dans ces deux groupes. Enfin il n’y a pas d’informations biologiques permettant d’éclairer la situation des insuffisants rénaux qui ont reçu une faible posologie de 75 mg au lieu de 150 mg : étaient ils réellement insuffisants rénaux ? S’ils ne l’étaient pas, ont-ils une perte de chance liée à la faible posologie qu’ils ont reçue ? Le recueil des données Medicare ne permet pas de répondre à ces questions.
La deuxième étude, de moindre envergure, publiée dans le « Jama » conduite par le Dr Immculada Hernandez (Pittsburg, Pennsylvanie) et financée par des Agences indépendantes s’est intéressée uniquement au risque de saignements majeurs sur une population de patients nouvellement traités par dabigatran (1302) ou warfarine (8102) dans la fibrillation non valvulaire. L’auteur rappelle qu’après la mise à disposition du dabigatran, la FDA a reçu via son système de surveillance, de nombreux signalements d’hémorragies gastro-intestinales qui ont initié plusieurs publications.
En 2013, le « New England Journal of Medicine » rapportait une étude postmarketing sans ajustement sur les caractéristiques des patients qui concluait à l’absence de surrisque hémorragique du dabigatran par rapport à la warfarine. Publication contredite en 2 014 par une méta-analyse du « Jama Internal Medicine » qui elle identifiait un sur-risque hémorragique lié au NACO, alors que l’étude des « Registres danois publiée dans le « Jacc » montrait que les taux de saignements majeurs étaient similaires dans les deux groupes d’anticoagulant.
L’étude du « Jama » s’inscrit donc après cette série de publications contradictoires. « À notre connaissance, écrivent les auteurs, notre étude est la première à comparer le profil de sécurité du dabigatran et de la warfarine sur un échantillon représentatif de bénéficiaires du système Medicare. Nous montrons qu’en vie réelle, après ajustement sur les caractéristiques cliniques et démographiques des patients, le dabigatran est associé à une incidence plus élevé de saignements majeurs (si on ne tient pas compte du site anatomique), plus précisément un risque plus élevé que la warfarine pour saignements gastro intestinaux dans tous les sous-groupes mais moins élevé pour les hémorragies cérébrales, ceci en accord avec les données de l’étude princeps RE-LY ». Cette étude dessine aussi les profils à risque, que sont les sujets insuffisants rénaux et les sujets de race noire pour le dabigatran, et les sujets âgés pour la warfarine.
Consensus autour de la nécessité des études en vie réelle
Dans un éditorial associé Rita F. Redberg, cardiologue ( San Francisco, Californie), « il apparaît que le risque de saignements associés à l’usage du dabigatran est plus élevé que lors des éléments portés à la connaissance de la FDA dans le dossier d’AMM » et convient cependant que cette analyse est en contradiction avec les données postmarketing de la FDA publiées dans le « NEJM ». Difficile de s’y retrouver d’autant que chacune des études fait appel à une méthodologie statistique différente.
La conclusion la plus consensuelle est bien celle qui souligne l’intérêt des études postmarketing. En France, la Cnamts livrait en juillet 2014 les conclusions rassurantes de son essai NACORA-BR dont l’objectif principal était de comparer le risque hémorragie majeures entre les nouveaux utilisateurs de Naco et les nouveaux utilisateurs d’AVK. « Les résultats de cette étude observationnelle montrent qu’à partir des bases de données médico administratives françaises sont rassurants quant au bénéfice /risque des NACO à court terme s et cohérents avec les autres études observationnelles publiées à ce jour. Ils ne montrent pas d’excès hémorragique ou thrombotique artériel chez les patients débutant un traitement par dabigatran ou rivaroxaban » conluait la Cnamts.
Jama Intern Med publié le 3 novembre 2014, Circulation 30 octobre 2014
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