L’ÉTUDE NEMO, multicentrique au niveau européen, est en cours pour évaluer l’efficacité d’un diurétique, le bumétanide, sur les crises d’épilepsie sévères du nourrisson et résistantes au phénobarbital.
Le phénobarbital, médicament antiépileptique à action sur le GABA, est le traitement de choix des convulsions néonatales. Tout comme le valium, ce produit renforce l’action du GABA, le principal neuromédiateur du cerveau dont l’effet est une inhibition neuronale. Ce traitement toutefois présente des failles. Il est peu efficace sur les formes sévères, avec une aggravation des décharges à l’enregistrement EEG. Ses effets sont altérés dans le cas des convulsions récidivantes,
En passant d’une inhibition à une excitation.
« Il est important de déterminer les raisons pour lesquelles les effets du phénobarbital sont altérés dans le cas des convulsions récurrentes et, si cela est, à relier à des changements du mode d’action sur le GABA, passant par exemple d’une inhibition à une excitation», se sont dit les chercheurs de Luminy.
«Pour explorer les effets des convulsions sur le GABA et le phénobarbital, nous avons utilisé un modèle in vitro composé de deux hippocampes intacts prélevés chez des souris en période néonatale, avec leurs connexions commissurales, placés dans des compartiments indépendants.» La préparation permet d’appliquer un agent convulsivant à un hippocampe et un anticonvulsivant à l’autre.
C’est comme cela que Yehzkel Ben-Ari et ses collaborateurs sont parvenus à décrire le mécanisme qui aboutit, crise après crise, à l’inversion des effets des anticonvulsivants classiques. Pour y parvenir, les chercheurs se sont penchés sur la régulation du chlore qui est un élément essentiel de l’action du GABA.
Le GABA agit sur les neurones par l’intermédiaire d’un récepteur canal chlore (GABA R). Lorsque le GABA s’y fixe, il provoque l’entée d’ions chargés négativement dans le neurone. Le phénobarbital renforce le mécanisme, ce qui entraîne l’inhibition des neurones et donc l’arrêt des crises.
En revanche, lorsque les concentrations intracellulaires de chlore sont élevées, le GABA va entraîner une sortie excessive du chlore et une excitation neuronale. Dans le tissu épileptique, le chlore s’accumule anormalement à l’intérieur des neurones.
L’équipe constate au fur et à mesure des crises le dysfonctionnement d’un transporteur exportateur naturel du chlore hors de la cellule, nommé KCC2. Après plusieurs crises, il se déplace et ne fonctionne quasiment plus, empêchant le chlore de sortir de la cellule.
Les transporteurs qui font entrer le chlore dans les neurones (NKCC1 et GABA R) fonctionnent toujours
Au fil du temps, le chlore s’accumule, et, inversant le flux au niveau du récepteur GABA R, provoque la crise. En renforçant les effets du GABA, le traitement au phénobarbital devient inefficace et aggrave les crises.
Un diurétique, le bumétanide.
Les chercheurs sont ensuite partis de ces constatations pour tenter de trouver une méthode qui permette de réduire la concentration de chlore. L’idée est de renforcer les actions inhibitrices du GABA et de favoriser l’action inhibitrice initiale du phénobarbital.
Certains diurétiques utilisés depuis des décennies pour réduire le chlore au niveau rénal agissent en bloquant des co-transporteurs du chlore présents au niveau des reins. Les mêmes co-transporteurs sont aussi présents dans le cerveau, d’où l’idée de tester leurs effets sur les neurones épileptiques.
Un diurétique, le bumétanide, est connu pour cet effet de réduction des concentrations de chlore. Les auteurs indiquent que ce produit a la qualité d’antagoniste NKCC1. Et ils montrent qu’en bloquant ce récepteur, lorsqu’il est appliqué en même temps que le phénobarbital sur le modèle d’étude, il y a une diminution des actions excitatrices du GABA et une prévention de son effet paradoxal.
La concentration du chlore cellulaire se trouve rétablie, ce qui permet de prolonger les effets inhibiteurs du GABA et donc l’efficacité de l’antiépileptique phénobarbital. Le concept est donc en train d’être testé dans le cadre de l’étude NEMO, dont les premiers résultats sont attendus en 2012.
Brain, 24 mars 2011.
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