LE QUOTIDIEN - Vous lancez un appel aux élus pour la sauvegarde des cabinets de radiologie de proximité. Sont-ils menacés de disparition ? Dans quel état d’esprit se trouvent les radiologues ?
Dr JACQUES NINEY - L’inquiétude est massive, inédite. Je n’ai jamais senti une telle mobilisation. Les radiologues font leurs calculs. L’impact direct des baisses de tarifs sur les chiffres d’affaires des cabinets de proximité, qui font essentiellement de la radiologie conventionnelle et de la mammographie et de l’échographie, se situe entre 10 et 27 %, ce qui correspond à une baisse des revenus de 29 à 35 %. Face à ces mesures financières, nombre de cabinets ne pourront pas survivre ; soit ils mettent la clef sous la porte, mais je n’y crois guère, soit ils se restructureront drastiquement. Plusieurs cabinets se regrouperont sur un site pour diminuer les frais. C’est peut-être cette restructuration de la radiologie libérale que veut le gouvernement mais c’est en contradiction totale avec ses discours contre les déserts médicaux et sur la prise en charge et le suivi du cancer. Aujourd’hui, les cabinets moyens, avec trois radiologues associés, représentent environ 60 % des structures radiologiques existantes. Ce sont ces cabinets qui sont menacés même si leur accès à l’imagerie en coupe - scanner ou IRM -, qui permet d’amortir le choc en diversifiant l’activité, est plus ou moins important. En tout, l’impact pour la seule radiologie est de 150 millions d’euros. Les rhumatologues sont également touchés.
Les radiologues, qui pouvaient jusque-là coter leurs actes en série à 100 %, ne devaient-ils pas rentrer dans le régime commun des autres spécialités ?
Quand on a deux appareils différents, dans deux salles différentes, qui nécessitent souvent deux personnels différents, les charges ne sont pas divisées par deux. D’autres spécialités ont encore la possibilité de coter à 100 % sur leur notion de séance comme la cardiologie, la gastro-entérologie et la neurologie. J’avais proposé lors des négociations de réviser à la baisse un certain nombre d’actes dans le cadre de l’utilisation d’un seul appareil. Cela a été refusé.
Les radiologues conservent une image de « nantis ». Des gains de productivité importants ont été réalisés dans cette spécialité. Contestez-vous le principe d’un effort des radiologues exigé par le gouvernement ?
Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. La moyenne du chiffre d’affaires des radiologues recouvre des situations extraordinairement disparates. Une partie minime des radiologues - 3 à 4 % - ont des chiffres d’affaires très importants, entre 20 000 et 25 000 euros par mois. Ils tirent les revenus à la hausse. Le ministère de la Santé avance un chiffre d’affaires moyen annuel de 198 000 euros mais en avouant que ce montant est contestable. En cas de SCM [société civile de moyens], on ne sait pas dénombrer le nombre d’associés. Et les SEL [sociétés d’exercice libéral], qui représentent 30 % des structures juridiques, ne sont pas prises en compte.
Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à un effort. Pendant six mois, j’ai négocié avec l’assurance-maladie et j’ai proposé plus de 100 millions d’euros d’économies sur la radiologie, étalées dans le temps, au titre de la maîtrise médicalisée. On a proposé des accords de bon usage des soins (radiographies du crâne, ostéodensitométrie), des mesures sur les ALD, le toilettage de la nomenclature… En pleine négociation, on a subi ce camouflet inacceptable.
Quels sont les actions de contestation en cours ou à l’étude ?
Il y a plusieurs axes de mobilisation. D’abord une information des patients par pétition sur les risques de ces mesures comptables : disparition des cabinets de proximité augmentant les délais de rendez-vous, atteinte au suivi du cancer… Depuis quelques jours, les jeunes chefs de clinique et les internes se mobilisent également. Nous allons alerter sur le gel des investissements pour les cabinets de radiologie. Les industriels sont très inquiets. Et 12 000 emplois sont concernés… Il est aussi prévu des actions graduées qui devraient aller jusqu’à une journée noire de la radiologie avec fermeture de toutes les structures d’imagerie. Nous déciderons le 28 mars.
Devant ce fait catastrophique, je demande à Roselyne Bachelot d’ouvrir sans tarder des négociations pour sauver la radiologie de proximité. J’ai le sentiment que ce qui se passe aujourd’hui pour la radiologie constitue une menace pour d’autres spécialités : la mise en place d’une politique de revenus dans laquelle on rabotera les disciplines qui dépassent un peu trop…
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