L'alerte et l'autorisation de vol ont été données. Sur le toit d'une des casernes des sapeurs-pompiers de Stockholm, le petit aéronef peut décoller.
En quelques secondes, le voilà lancé, direction l'archipel. Le drone file bien droit, à plein régime, il est en mission : à son bord, un Schiller Fred easyport, défibrillateur de poche de quelque 490 grammes, et au bout du voyage, une victime. Tel est le scénario testé depuis cet automne dans le Comté de Stockholm, qui s'est associé à la grande université technologique KTH et une entreprise spécialisée dans les drones, pour imaginer ces défibrillateurs volants.
Un projet qui doit répondre à une problématique locale complexe, celle de la prise en charge d'urgence en terrain peu accessible. Ou comment couvrir efficacement un territoire vaste de 6 500 km2, morcelé en une multitude d'îles (30 000) que baignent les eaux froides de la Baltique. En Suède, le SAMU rapporte environ 5 000 cas d'arrêts cardiaques extrahospitaliers chaque année. « Partant du constat qu'une défibrillation précoce augmente les chances de survie, l'idée est donc, dans les cas où la victime se trouve dans une zone lointaine, d'envoyer par drone un défibrillateur utilisable avant l'arrivée des secours », explique Andreas Claesson, doctorant au Centre d'étude de réanimation de l'Institut Karolinska de Stockholm, et co-responsable du projet. Une première étude a été publiée en septembre, dans le « Scandinavian Journal of Trauma, Resuscitation and Emergency Medicine ».
Opérationnel dans les trois ans
Pour la mener, des simulations de vols ont été appliquées à 20 lieux choisis parmi les 3 165 cas d'arrêts cardiaques recensés dans la région entre 2006 et 2013. Verdict : en milieu rural, le drone est arrivé avant le SAMU dans 93 % des cas (contre 32 % en milieu urbain). Le gain de temps moyen par rapport à l'arrivée des secours était de 19 minutes. Soit une éternité, en termes de soins de réanimation. Dans la foulée ont eu lieu les tests grandeur nature : des vols, sans contact visuel avec l'aéronef, vers 18 sites cibles de la région jugés difficilement accessibles. « Les premiers résultats sont d'ores et déjà très prometteurs », souligne Andreas Claesson, estimant que « le transport de défibrillateurs par drones à Stockholm pourrait être opérationnel dans les trois ans ». Le dispositif technique est a priori assez simple. Les drones seront en poste sur les toits des casernes des sapeurs-pompiers du Comté, branchés en permanence sur secteur et à l'abri dans un habitacle ouvrable à distance.
Les modèles testés disposent d'une autonomie de vol de 10 km, pour une vitesse maximale de 70 km/h. Après le décollage, opérable en seulement 3 secondes après que l'ordre est donné, le plan de vol est automatisé, par GPS. Une fois sur site, le drone peut soit atterrir, si le terrain le permet, soit larguer le défibrillateur à basse altitude (3-4 m). Les tests avec parachutage du DAE se sont eux révélés défaillants. Demeurent toutefois plusieurs obstacles à lever. D'abord, trouver un moyen d'intégrer efficacement l'outil dans la routine des secours, notamment en déterminant quelles étapes seront automatisées (décollage, vol) et quelles autres dépendront d'une décision humaine (pilotage de l'atterrissage). Ensuite, gérer l'épineuse question légale. « Travailler avec les autorités aériennes sera notre principal défi, confirme Andreas Claesson. Les discussions ont déjà commencé et, a priori, notre centre de commande des drones devra obtenir l'autorisation de vol pour chaque décollage. Le tout est d'intégrer cette donnée au protocole. » Dans le futur, l'équipe de chercheurs espère bien étendre les missions de ses drones au transport de matériel médical, de médicaments ou même de poches de sang lors de prises en charge d'accidents.
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