Dans toutes les recommandations internationales, la metformine demeure la première ligne de traitement médicamenteux du diabète de type 2 (DT2), sauf pour les 10 % de patients qui ne la tolèrent pas du tout. On peut la maintenir ensuite, même au stade des injectables (arGLP1 et insuline).
Acidose lactique
La question de la fonction rénale demeure, depuis l’origine, un sujet délicat. La metformine est un biguanide, qui n'est pas métabolisé, ne se lie pas aux protéines et qui est rapidement éliminé par les reins. Par conséquent, la plupart des recommandations déconseillaient son usage chez les patients atteints de maladies rénales chroniques de modérées à sévères (IRC), en raison de la crainte de l'acidose lactique par accumulation de metformine.
Mais, si ces limites d’usage sont restées longtemps floues, voire contradictoires, en 2016, l'Agence européenne des médicaments (EMA) et la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis ont supprimé la contre-indication d'utilisation de la metformine dans les stades d’IRC 3A et 3B, c’est-à-dire pour des taux de filtration glomérulaire (DFG) de 59 – 45 et 44 – 30 ml/min/1,73 m2, respectivement. Cependant, ces décisions ne sont pas très explicites, car prises en l'absence d'études prospectives sur l’innocuité et l’efficacité.
Trois études complémentaires
Afin de définir un schéma posologique sûr et efficace pour la prise de metformine chez les sujets DT2 atteints d’une insuffisance rénale chronique modérée et sévère (IRC, stades 3A/3B et 4, respectivement), trois études complémentaires ont été réalisées par l'équipe de Jean Daniel Lalau à Amiens :
1) Une étude de recherche de dose, chez des DT2 avec IRC stade 3 à 5, où ont été mesurées les concentrations sanguines de metformine par paliers de doses d’une semaine : 500 mg/j puis 1 000 (2x500), puis 1 000 x 2/j. Les taux de metformine plasmatique et érythrocytaire, et de lactate, ont été mesurés 12 heures après la dernière prise après chaque augmentation de dose ;
2) Chez des DT2 recevant de la metformine durant 4 mois, afin de déterminer la dose optimale de metformine selon le stade d’IRC (3A, 3B et 4), les mesures de metformine plasmatique, de lactate et d'HbA1c, ont été surveillées 1 fois par mois ;
3) La pharmacocinétique de la metformine, aux stades d’IRC 3A, 3B et 4 à l'état d'équilibre, a été précisée.
Des règles de prescription
Résultat, dans l'étude de détermination des doses en fonction du DFG, les schémas posologiques quotidiens appropriés étaient de 1 500 mg (500 mg le matin + 1 000 mg le soir) au stade 3A, 1 000 mg (500 mg matin et soir) au stade 3B, et 500 mg au stade 4.
Après 4 mois de traitement, les concentrations de metformine ont été stables et n’ont jamais dépassé la limite supérieure de sécurité généralement acceptée (de 5,0 mg/L). L'hyperlactatémie (> 5 mmol/L) était absente (sauf chez un patient atteint d'un infarctus du myocarde), et les taux d'HbA1c n'ont pas changé.
Enfin, il n'y a pas eu de différences significatives dans les paramètres pharmacocinétiques parmi les groupes de stade d’IRC.
Au total, à condition que la dose soit ajustée à la fonction rénale, le traitement par metformine apparaît comme sûr et toujours efficace sur le plan pharmacologique dans l'IRC modérée à sévère. Les auteurs ont ajouté à ce travail un guide pratique de prescription.
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes, Grenoble
(1) Usage de la metformine chez les insuffisants rénaux stades 3A, 3B et 4JD Lalau et col. Diabetes Care 2018, Janvier. https://doi.org/10.2337/dc17-2231
(2) Le DFG a été estimé en fonction de l’équation MDRD : formule tenant compte de l’âge du sexe (femme vs homme) et d’origine (africain).
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