Depuis le 10 juin, le Dr Bertrand Rose et ses deux confrères généralistes sont revenus quelques années en arrière, bien malgré eux. Installés à Blendecques (Pas-de-Calais), ils sont privés d’accès à Internet en raison d’une panne sur le réseau d'Orange, désorganisant totalement leur cabinet : plus de messagerie sécurisée, aucune télétransmission, pas d’accès aux informations médicales en ligne… Il a fallu revenir aux bonnes vieilles méthodes.
Impossible depuis près de trois semaines de se faire dépanner, malgré des démarches insistantes auprès de leur opérateur. Exaspérés, les médecins multiplient les appels à l’aide, auprès du Conseil de l’Ordre, de la mairie, de leurs relations professionnelles… Sans succès. Jusqu’à ce jeudi 29 juin. Il aura fallu une intervention du vice-président de la communauté d’agglomération auprès de la direction régionale d’Orange pour débloquer la situation.
« On a pris conscience de notre vulnérabilité »
L’affaire est donc close pour le Dr Rose. Mais le généraliste tire quelques enseignements de cette mésaventure, qu’il entend partager avec ses confrères. « On se rend compte qu’on est sourd et aveugle sans Internet. Notre métier est devenu totalement dépendant de l’informatique, on est habitué à ce que tout aille vite. Mais en cas de panne prolongée, on réalise qu’on est très vulnérable », raconte le médecin au « Quotidien ».
Âgé de 56 ans, le Dr Rose s’est adapté rapidement. « On a repris nos anciennes habitudes, poursuit-il. On reçoit les résultats d’analyse par courrier postal. Mais tout est ralenti, les patients les reçoivent parfois avant nous. » Le médecin en vient à s’interroger sur sa responsabilité en cas de retard de diagnostic. « Imaginez qu’on ait affaire à un problème urgent, on peut passer à travers », s’inquiète-t-il.
La gestion du cabinet est désorganisée. Chaque jour, les médecins reçoivent une centaine de patients. Mais sans accès Internet, impossible de télétransmettre. « Heureusement, la caisse nous a assuré que nous ne serions pas pénalisés. Alors on stocke les feuilles de soins électroniques sur nos ordinateurs en attendant de pouvoir les envoyer », explique le Dr Rose.
« J’ai ressorti mes vieux bouquins »
Les patients sont eux aussi pénalisés. « Ils ne sont plus remboursés. Le traitement des arrêts de travail sur papier est plus lent, le paiement de leurs indemnités aura du retard », regrette le médecin.
Adepte du tiers payant (50 % de ses consultations), le Dr Rose, s’est vite trouvé confronté à une baisse de son chiffre d’affaires. « Imaginez que nous soyons passés au tiers payant intégral généralisé. On ne toucherait plus rien, relève le généraliste. Comment ferait-on pour payer nos secrétaires à la fin du mois ! »
La pratique au quotidien est aussi affectée. Le généraliste, qui avait l’habitude de trouver des infos médicales « en trois clics sur Internet » a dû « ressortir ses vieux bouquins » ! « Rien de grave, insiste le médecin, on peut s’organiser sans Internet », mais cet incident lui a fait prendre conscience d’un changement de perception du métier de médecin. « Auparavant, lorsqu’on rencontrait un problème, il suffisait de dire que qu’on était médecin pour être dépanné. Les gens avaient conscience que derrière notre activité, il y a des patients… »
Au contraire, pendant près de trois semaines, le généraliste s’est heurté à un mur. Contacté par « le Quotidien », Orange fait son mea culpa. « Il y a eu un couac, cela n’aurait jamais dû se produire », indique un porte-parole de l’opérateur, qui précise que ses techniciens interviennent habituellement dans les huit heures pour dépanner les clients professionnels. Philosophe, le Dr Rose voit dans toute cette affaire, « un épisode héroï-comique de [sa] vie de généraliste de campagne ».
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