Afin de mieux comprendre les freins à l’observance des patients asthmatiques, une vaste enquête a été menée sur Internet auprès de 8 000 patients asthmatiques (dont 1 024 Français) issus de 11 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède. L’âge médian des répondants était de 35 ans, avec une majorité de femmes (66 %). La proportion de patients fumeurs actifs était de 26 %.
Les répondants ont déclaré prendre, pour traiter leur asthme, un traitement de secours (79 %), un corticoïde inhalé (46 %), un traitement inhalé en association fixe (26 %) et/ou un traitement par voie orale (31 %). « Alors que seulement 11 % des patients considéraient leur asthme comme non contrôlé, ils étaient en réalité 83 %, selon les critères de la Global Initiative for Asthma [Gina]. Plus de la moitié (56 %) des répondants admettaient pourtant ne pas prendre leur traitement de fond tous les jours, et 47 % d’entre eux se disaient gênés d’avoir à utiliser l’inhalateur devant d’autres personnes », précise la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU Bordeaux). Des chiffres à peu près homogènes dans les 11 pays, et qui interpellent.
Le questionnaire de contrôle est indispensable
Le fait que les patients asthmatiques surestiment le contrôle de leur asthme était un résultat attendu, mais pas à ce point ! Il y a des années que ce problème est connu, et il y a déjà eu des recommandations pour mieux communiquer sur le contrôle et mieux l’évaluer. « Le contrôle de l’asthme n’est pas assez évalué, en dépit des recommandations nationales [1] et internationales, peut-être parce que dans la pratique les outils (questionnaires) mis à disposition des médecins ne sont pas assez utilisés, souvent par manque de temps. Le questionnaire de contrôle est pourtant indispensable, insiste la Pr Raherison-Semjen. Pour pallier le manque de temps en consultation justement, le questionnaire peut être remis en salle d’attente au patient afin qu’il le remplisse, et ensuite cela permet, en consultation, de voir avec lui pourquoi il y a eu oubli ou refus de prise du traitement. Cela met en exergue certains freins comme la peur de devenir dépendant au médicament ou la réticence à utiliser l’inhalateur devant autrui, comme l’a montré l’enquête Realise [2]. Cette peur du regard de l’autre est fréquente, et pousse un grand nombre d’asthmatiques à ne pas emporter leur inhalateur avec eux. Le recours au questionnaire de contrôle permet encore de mettre l’accent sur des événements survenus plusieurs semaines auparavant, alors que, lorsqu’on l’interroge pour savoir s’il a été gêné au quotidien, il base le plus souvent sa réponse sur les derniers jours seulement. »
Toujours chercher à comprendre les freins
Rien ne sert de culpabiliser un patient qui ne prend pas correctement son traitement ; c’est inefficace. « Il y a toujours une raison à l’inobservance. Le rôle du médecin est de l’identifier : ce peut être parce que le patient n’en ressent pas l’efficacité, ou le besoin ; parfois encore, c’est parce qu’il présente des effets secondaires gênants pour lui, ou qu’il a oublié. Un patient qui avoue oublier de temps en temps son traitement tend une perche à son médecin : il faut lui demander pourquoi, s’il rencontre des difficultés, et trouver des solutions avec lui, souligne la Pr Raherison-Semjen. Une étude ancienne réalisée dans notre service avec des psychologues avait montré que les mots qui revenaient le plus souvent dans la bouche des asthmatiques étaient la “culpabilité” d’avoir une maladie chronique et la “peur” vis-à-vis des médicaments (peur de la perte d’efficacité, de la dépendance, etc.). Là encore, le fait de le savoir permet de travailler avec le patient pour lever ces obstacles. »
Entretien avec la Pr Chantal Raherison-Semjen, service des maladies respiratoires, CHU de Bordeaux, et autrice principale de l’enquête Realise en France
(1) C. Raherison et al. Rev mal respir 2016.33(4):279-325
(2) C. Raherison et al. Rev mal respir 2017.34(1):19-28
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