Au troisième examen de doctorat (pathologie externe), épreuve pratique de médecine opératoire, j’eus cette opération à faire, énoncée par le professeur Trélat, de quinteuse mémoire (on disait qu’à partir du troisième accès de toux survenu pendant l’examen, il ajournait impitoyablement tous les candidats) : ligature de la tibiale antérieure au tiers supérieur de la jambe. On sait qu’après Lisfranc, le professeur Farabeuf, auteur classique, dont tout candidat devait étudier le Manuel, conseille de diviser d’abord l’aponévrose en travers pour ne pas manquer l’interstice, puis de glisser la sonde cannelée près de la crête tibiale, jusqu’à ce que la pointe rencontre la forte cloison qui sépare les péroniers de l’extenseur commun. On fait ensuite la section longitudinale.
À peine avais-je commencé à glisser ma sonde que le professeur Trélat, au milieu d’un accès de toux (était-ce le troisième ?) m’interpella violemment : « Où avez-vous appris à opérer comme ça ? A-t-on jamais employé la sonde pour les ligatures avant de charger l’artère… Couper une aponévrose superficielle sur la sonde cannelée ! Quelle faute ! »
Je sentis le vent de l’ajournement passer sur ma face, et mes poils se hérissèrent. Cependant, le passage de l’ouvrage de Farabeuf était si bien gravé dans ma mémoire que je citai mon auteur presque textuellement. Le professeur Trélat agitait négativement la tête et allait sans doute me marquer une note désastreuse quand le chirurgien Reynier, auquel je dois une belle chandelle, intervint : « Oui, on leur apprend ce manuel opératoire aux Pavillons… », dit-il au professeur Trélat. Le terrible examinateur n’en revenait pas. « On leur apprend à sectionner une aponévrose superficielle sur la sonde ? » - « Oui, M. Farabeuf le leur enseigne… »
Je fus reçu, mais le professeur Trélat ne cacha pas son mécontentement, et il eut au moins six accès de toux pendant le reste de l’examen ; la série fut chargée en ajournements.
J’ignore si M. le professeur Farabeuf, qui n’était alors qu’agrégé, sait qu’il a été la cause involontaire d’une pareille crise d’asthme chez notre terrible examinateur. En tout cas, j’ai à remercier M. Reynier de m’avoir tiré d’un bien mauvais pas.
Ce qui prouve que les examinateurs d’alors n’avaient pas comme lecture courante le Manuel de Farabeuf, au grand dommage des examinés.
(Dr Michaut, Chronique médicale, 1900)
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