C'est une mesure inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2019) qui ne passera pas inaperçue dans la profession.
Afin de « renforcer le recours aux génériques » – le taux de substitution générique/princeps dépasse les 80 % en France mais le ministère de la Santé constate un « essoufflement » –, le gouvernement a décidé de réguler et clarifier les modalités de recours au « non substituable » (NS, qui empêche la substitution générique à la pharmacie).
En pratique, l'obligation décriée de mention manuscrite systématique « non substituable », ligne par ligne, par le prescripteur serait « supprimée », un système contraignant et infantilisant qui faisait porter toute la responsabilité au médecin, source de litiges. Fin mai encore, dans le cadre d'une affaire opposant un généraliste à sa caisse primaire dans l'Eure, un arrêt de la cour de Cassation avait jugé que la prescription assortie de la mention « NS » devait pouvoir être « dûment » justifiée par le prescripteur lui-même, à chaque fois que la situation se présente. La Cour de cassation avait condamné le médecin…
Une liste de cas et de situations
Le gouvernement souhaite désormais encourager la substitution par le pharmacien en faisant reposer la justification de la mention non-substituable « sur des critères médicaux objectifs, définis en lien avec l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ». Autrement dit, les autorités sanitaires et les professionnels fixeront une liste de cas et de situations (intolérances, allergies, etc.) pouvant justifier la mention NS et empêcher la substitution générique, explique-t-on dans l'entourage d'Agnès Buzyn. Ces référentiels devraient être intégrés aux logiciels d'aide à la prescription. Exit alors la contrainte de mention manuscrite – la fréquence de non substituable sur les ordonnances étant en moyenne de 8,3 % sur l’année 2016…
Joint ce mardi par « le Quotidien », le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, salue une mesure de bon sens mais qui ne réglera pas tout. « On est satisfait car le fait d'écrire "non substituable" à la main était perçu comme une mesure vexatoire par les généralistes, explique-t-il. Mais les critères médicaux objectifs justifiant le NS, il n'y en aura pas beaucoup ! Les trois situations principales que l'on rencontre sont les médicaments à marge thérapeutique étroite, les patients qui nous disent qu'ils ne supportent pas le générique – c'est souvent invérifiable – et ceux qui mélangent les boîtes de génériques, ce qui est source de confusion… ». Il faudra donc juger sur pièces comment cette réforme s'applique au quotidien et comment elle est perçue par les prescripteurs et les patients.
[Mise à jour] La CSMF prévient elle ausi qu'elle sera « particulièrement vigilante et attentive sur cette mesure dont l’application éventuelle doit respecter le secret médical ».
Levier financier
D'autant que cette mesure sur le non substituable se doublera d'un malus financier « assuré » pour doper le recours aux génériques. Ainsi, « le remboursement d’un assuré qui ne souhaiterait pas, sans justification médicale, la substitution proposée par le pharmacien se fera désormais sur la base du prix du générique », lit-on dans le PLFSS 2019.
Sachant qu'un générique coûte en moyenne 40 % de moins que le princeps, le malade devrait y regarder à deux fois avant de refuser le générique pour des raisons de convenance. Cette mesure s’appliquera à compter du 1er janvier 2020 « afin de disposer du temps nécessaire pour accompagner sa mise en place auprès des patients ». Ces mesures devraient permettre à court terme « moins de 100 millions d'euros » d'économies, selon Bercy.
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