Huit organisations de malades et de professionnels viennent de lancer un livre blanc pour dénoncer les prix « exorbitants et injustifiés » des nouveaux médicaments. Médecins du Monde, Médecins sans frontières, La Ligue contre le cancer, l’UFC que choisir, France Assos Santé, Aides, l’UAEM (universités alliées pour les médicaments essentiels) et la revue Prescrire s’allient donc pour dénoncer une situation de plus en plus préoccupante. Elles s’étaient déjà regroupées en 2014, à l’époque sur l’hépatite C et le prix du Solvadi pour inciter les pouvoirs publics à inscrire cette question du prix des médicaments dans l’agenda national. Le but aujourd’hui est donc d’amplifier cette démarche devant l’inflation du prix des innovations thérapeutiques.
400 000 euros pour les nouveaux traitements contre le cancer
En oncologie, « le coût moyen d'une année de vie gagnée est passé de 15 877 euros en 1996, à 175 968 euros en 2016 », rappelle la Ligue contre le cancer. Et l’association est d’autant plus inquiète que l’arrivée prochaine des traitements CAR-T risque de faire flamber encore davantage les prix. Pour l’instant les deux traitements approuvés aux États-Unis, se chiffrent à des prix de 475 000 et 375 000 dollars par patient. « L’innovation n’a de valeur que si elle est accessible », souligne Catherine Simonin de la Ligue contre le Cancer.
Les laboratoires « demandent des prix astronomiques même quand les médicaments n'ont pas nécessité d'investissement important en recherche et développement », renchérit l'association UFC-Que Choisir. L'UFC cite l'exemple de plusieurs médicaments, dont le « Keytruda », indiqué dans le traitement de certains mélanomes, pour lequel « la Haute autorité de santé a estimé que l'amélioration du service médical rendu » n'était « que mineure par rapport aux traitements existants », mais qui coûte en France jusqu’à « 72 000 euros par an ».
Le poids des lobbys
Les huit organisations dénoncent donc un manque flagrant de transparence sur ce sujet et notamment sur la fixation des prix. Olivier Maguet, de Médecins du monde, cite notamment le rapport de la Cour des comptes qui évoque des « pressions difficiles à écarter » et souligne que « des interventions auprès des pouvoirs publics motivées par des considérations de nature industrielle conduisent parfois à fixer ou à maintenir des prix anormalement élevés ». Pour reprendre les mots récents du président sur un autre sujet, « nous avons un sérieux problème de pognon sur le médicament », a estimé M. Maguet.
Les huit organisations alertent également sur : un usage abusif des brevets qui permet de maintenir des monopoles et donc des prix élevés, des innovations qui bénéficient de mises accélérées sur le marché alors qu’elles ne présentent pas forcément de valeur thérapeutique ajoutée ou encore le développement des ruptures de stocks.
Les pistes de sénateurs
Alors que le gouvernement doit réunir les industriels du secteur le 10 juillet prochain, les associations demandent donc une transparence à tous les niveaux : sur les coûts de recherche et développement, sur les essais cliniques et sur les prix, et de nouveaux mécanismes de fixation des prix. Et après avoir posé le constat avec ce livre blanc, les huit organisations devraient continuer à travailler sur le sujet pour livrer des propositions à la rentrée.
Ce même mercredi, les sénateurs de la commission des affaires sociales ont justement formulé des propositions pour renforcer l'accès précoce aux médicaments innovants. Ils suggèrent d'accélérer et d'assouplir le dispositif des autorisations temporaires d'utilisation (ATU), de délivrer les ATU par indication et non plus par produit, d'envisager une procédure accélérée d'accès au marché pour des produits innovants fléchés comme prioritaires ou encore de mettre en place un remboursement temporaire pour des médicaments prometteurs mais insuffisamment développés.
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