Beaucoup a été écrit ces dernières heures sur l'empreinte que Jacques Chirac, décédé jeudi 26 septembre à 86 ans, laissera dans le paysage politique français. L'action de l'ancien président de la République a également été considérable dans le monde de la santé.
C'est sous son impulsion qu'ont été engagés les plans de lutte contre le cancer (et la création de l'InCA) et pour renforcer la sécurité routière. Pendant ces deux mandats (1995 à 2007), il a aussi fait avancer le droit des handicapés et leur reconnaissance dans la société.
La carrière politique de Jacques Chirac a aussi été marquée par ses relations très fortes avec le corps médical. « Il avait une profonde admiration pour les médecins et une confiance quasi-aveugle, liée à son histoire », explique le Dr Élisabeth Hubert, présidente de la FNEHAD, qui a été très proche du chef de l'État. Le président a en effet beaucoup fréquenté le milieu médical pour sa fille Laurence qui souffrait d'anorexie mentale chronique (décédée, il y a quelques années).
Amour et désamour
« L'histoire de Chirac avec le monde de la santé a été compliquée faite d'amour et de désamour », confie Élisabeth Hubert, qui fut sa première ministre de la Santé. La généraliste sait de quoi elle parle. L'ancienne députée de la Loire, élue à 29 ans avec le soutien du patron du RPR, a porté le projet santé du candidat de la droite en 1995. « J'étais avec lui dans l'Artois le 4 novembre 1994, le jour où il a déclaré sa candidature, lors d'un déplacement sur les thématiques de santé. »
Ayant suscité l'adhésion massive des professionnels de santé pendant la campagne pour son projet santé en rupture avec celui de François Mitterrand, le président perd son capital sympathie en appuyant le plan d'Alain Juppé. Son Premier ministre souhaite imposer un programme de maîtrise comptable et prévoit des baisses d'honoraires en cas de non-respect de l'ONDAM. C'est la fracture qui entraîne une mobilisation sans précédent des médecins. « Pendant les années qui ont suivi, il a eu besoin de reconquérir le monde de la santé qui avait eu une déception à la hauteur de ce qu'était son adoration quelques années auparavant », commente le Dr Hubert.
« Amicale pression » sur la Cnam
Le Dr Michel Chassang, qui présidait alors l'UNOF, la branche généraliste de la CSMF, se souvient précisément de cette période. « Pendant la période 1996-2002, nous nous sommes beaucoup vus, il recevait les syndicats de médecins et des professions de santé (CNPS) à peu près tous les mois, on avait surnommé ce moment les "déjeuners de la repentance" », témoigne le généraliste.
En 2002, les médecins engagent un bras de fer avec l'assurance maladie pour réclamer la hausse des tarifs de la consultation et de la visite. Candidat à sa réélection, Jacques Chirac prend l'engagement de porter le C à 20 euros s'il est élu. Quelques semaines après son élection, il tient parole. « On pensait l'affaire entendue mais l'Assurance maladie faisait de la résistance, se souvient Michel Chassang. Jacques Chirac a fait une amicale pression et nous avons obtenu le C à 20 euros et le V à 30. »
Exerçant à Aurillac, dans le Cantal, à quelques encablures de la Corrèze, le Dr Chassang a à plusieurs reprises côtoyé Jacques Chirac. Il garde de lui, « l'image d'un homme jovial, ayant un excellent contact, d'une grande pudeur, et très respectueux du corps médical. »
Hommage et respect au Président #Jacques_Chirac et pensée pour les Présidents Claude Maffioli et Jacques Monnot, artisans de la grande réconciliation avec les medecins fin des années 90 @lescdf @unapl_officiel @CSMF_officiel @leQdM @LeGene_hebdo @chrisgattuso @PaillardJM @CNPS2 pic.twitter.com/fQEzz5V2CN
— MICHEL CHASSANG (@ChassangCSMF) September 27, 2019
Un homme attentionné
Engagé dans le mouvement des confédérations, le Dr Jean-Paul Hamon, généraliste à Clamart, garde lui aussi le souvenir de l'intervention du chef de l'État pour obtenir ces revalorisations tarifaires que refusait le gouvernement de Lionel Jospin, en cette période de cohabitation : « Pour les généralistes, ce n'était pas anecdotique, car cela a mis un terme à un conflit qui a duré six mois. » Le patron de la FMF salue également le bilan du président français sur le plan international, et se dit marqué par le discours du Vél d'Hiv reconnaissant la responsabilité de l'État français dans les déportations de la seconde guerre mondiale, la fin du massacre de Sarajevo ou l'opposition à la guerre en Irak.
Tout autant que son bilan politique, l'ancien chef de l'État est salué pour ses qualités humaines. « Je me souviens de sa grande gentillesse, confie le Dr Hubert. J'ai fait une hépatite virale en 1992. C'était au moment du référendum de Maastricht, je défendais le non et il défendait le oui. Quoi qu'il en soit, il m'appelait tous les deux-trois jours pour prendre de mes nouvelles et me raconter une anecdote. C'était un animal politique mais il était très attentionné. »
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