Il faut sauver le médecin généraliste : le livre réquisitoire du Dr Hamon

Cri du cœur ? Complainte rageuse ou livre testament d'un syndicaliste qui vient de passer la main ? Dans son dernier ouvrage coécrit avec Daniel Rosenweg, journaliste du Parisien-Aujourd'hui en France, le Dr Jean-Paul Hamon verbalise une question que ses 56 000 confrères libéraux en exercice se sont posée au moins une fois dans leur carrière : "Qui veut la peau de nos Généralistes ?"*

Habitué des plateaux télé et radio, le président d'honneur de la Fédération des médecins de France (FMF) a cette fois pris la plume pour relater des anecdotes de son quasi-demi-siècle d'exercice et poser les enjeux prioritaires pour l'avenir de sa spécialité. Observateur de la dégradation de la démographie médicale, le Dr Hamon relate aussi les coups de boutoir que la médecine générale a dû encaisser ces dernières années. Les plans et mesurettes du gouvernement, « qui a préféré tout miser sur l'hôpital » et qui est « incapable de redonner de l'attractivité à la spécialité ». L'Assurance maladie et ses caisses primaires qui « multiplient à l'envi les contraintes administratives et réglementaires ». Les parlementaires qui « vendent par appartement des compétences médicales aux autres professionnels de santé », pharmaciens, infirmiers, kinés…

Dans un monde de la santé en pleine mutation numérique, le médecin généraliste de Clamart égratigne aussi les complémentaires, qui cherchent à avoir le plus de data pour ajuster les prises en charge — et par ricochet leurs marges — et veulent imposer leurs réseaux de soins. De même est-il très critique sur l'offensive des acteurs de la télémédecine qui fait peser une « lourde menace » sur la médecine générale. Il observe par ailleurs la percée du salariat avec circonspection. « Supprimer le généraliste libéral, décourager l'accès à cette profession indispensable serait comme revenir aux kolkhozes », résume-t-il dans une formule à l'emporte-pièce dont il a le secret.

Au milieu d'un tableau sombre, quelques rayons de lumière

En dépit de son rôle essentiel dans le système de santé et de sa proximité avec les patients, « le médecin généraliste devient le coupable idéal, affirme le Dr Hamon. Coupable des dépenses de soins qui augmentent et des déserts médicaux ». Les généralistes, abandonnés, sans moyens de protection, et « tombant au front dans l'indifférence », au début de l'épidémie de coronavirus. Oubliés du Ségur de la Santé qui suivra quand l'hôpital est revalorisé.

Si le tableau dressé par le médecin peut sembler résolument sombre, le livre retrace tout de même quelques anecdotes lumineuses, comme lorsque le généraliste de Clamart, 73 printemps, relate avoir soigné 5 générations d'une même famille, ou quand il raconte comment un ancien ingénieur en automobile qu'il voyait dépérir reprend goût à la vie quand on lui parle de 2 CV. « Le rôle du médecin généraliste n'est pas seulement de faire des diagnostics justes, c'est aussi d'être attentif au moral de ses patients. » Les seuls que le Dr Hamon n'accable pas, finalement, ce sont les patients. 

*"Qui veut la peau de nos généralistes ?" Dr Jean-Paul Hamon, Daniel Rosenweg, éd. Albin Michel, 228 pages, 16,90 euros.