Baisses de tarifs, contraintes réglementaires, lenteurs administratives

Innover dans les dispositifs médicaux : le casse-tête des entrepreneurs

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Publié le 15/09/2016
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« Les pouvoirs publics qui ont imposé une baisse de 10 % sur nos tarifs [en moyenne NDLR] n'ont rien compris aux dispositifs médicaux ». C'est sur ces mots amers que Stéphane Regnault, président du SNITEM (400 entreprises françaises ou internationales), a ouvert les quatrièmes rencontres du Progrès médical à Paris.

Début août, le comité économique des produits de santé (CEPS) a dévoilé son projet de raboter les tarifs de quelque 250 dispositifs médicaux et prestations, au grand dam des entreprises du secteur. « Comment peut-on encourager le transfert hôpital/ville en baissant les prix des dispositifs médicaux utilisés à domicile ? », se désole Stéphane Regnault, « dubitatif et inquiet ». « La France est une terre d'innovation mais encore faut-il que l'on puisse exploiter ces innovations pour créer de la richesse dans notre pays », a-t-il suggéré.

Enveloppes fermées

Les tarifs ne sont pas la seule raison d'inquiétude. Lors d'une table ronde sur l'innovation, le Dr Luc Téot, chirurgien de l'unité plaies et cicatrisation au CHU de Montpellier, a souligné le problème croissant de la « réglementite ». « Les contraintes réglementaires sont beaucoup trop nombreuses mais on en sort par le dialogue et la poussée de la demande », a-t-il expliqué. De fait, les entreprises du dispositif médical sont confrontées à un renforcement très net de leurs contraintes réglementaires, à l'origine de coûts importants.

Laurent Faugère, directeur d'Urgo Médical, évoque parallèlement des enveloppes « très fermées », freinant ou bloquant la prise en charge de certains DM innovants malgré l'accueil souvent positif des soignants. Son entreprise a lancé un outil d'aide à la décision pour la cicatrisation des plaies qui fonctionne avec un algorithme. « Un dispositif trop révolutionnaire pour être pris en charge », regrette Laurent Faugère.

La situation devient alors inextricable. Comme le souligne Jean-Louis Benezeth, directeur des opérations d’Impeto Medical (matériel de test et de détection du diabète), « lorsque le patient n'est pas remboursé, les technologies sont peu utilisées ».

Processus trop long

Souvent, c'est le parcours du combattant. « Le processus pour la prise en charge est long, il faut passer par la HAS qui examine les produits (...) en vue de leur admission au remboursement, explique Jean-Louis Benezeth. Or elle ne peut faire qu'une évaluation par an, alors qu'il y a 30 à 50 demandes ! »

Cette situation pousse les entreprises de dispositifs médicaux à se tourner vers d'autres pays, au détriment du marché domestique. « Lorsqu'on fait une levée de fonds, les fonds français sont logiquement beaucoup moins présents », résume Jean-Louis Benezeth. « Nous essayons de tout faire pour aider les industriels et orienter les créations d'emplois sur le territoire », plaide Benjamin Leperchey, sous-directeur des industries de santé et des biens de consommation à la DGE (direction générale des entreprises, sous la tutelle du ministère de l'économie). Il reconnaît toutefois que les délais « ne sont pas satisfaisants ».

Le Pr Jean-Yves Fagon, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) et délégué ministériel à l'innovation en santé, appelle clairement de ses vœux l'accélération du processus d'évaluation et une meilleure coordination des acteurs – industriels et soignants.

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9517